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désarmons la police

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Le texte qui suit a été publié par le collectif Pont-de-Buis 2015. Ce collectif appelle à bloquer le 25 octobre prochain lors d’ un week-end d’actions, l’usine Nobelsport fabricant de grenades lacrymogènes et de balles de défense, situé dans le Finistère.

Une première tentative avait eu lieu à la suite des mobilisation en réaction à la mort de Rémi Fraisse, tué par la police, sur la ZAD de Sivens en Occitanie.

Le texte complet de l’appel pour le 25 octobre est là et notez que ce collectif sera présent à l’université d’été de la Gauche Indépendantiste le 13 septembre (détail programme ici). Le texte ci-dessous retrace l’histoire du site, nous diffusons ces infos car nous contestons bien évidemment la légitimité de la police et de l’armée française en Bretagne mais aussi car nous partageons avec les initiateurs des points de vue convergeant sur le refus de l’économie militariste et de la logique répressive de l’état contre les rébellions populaires qui s’alourdit ces derniers mois.

Bretagne-info.

Histoire locale, Pont-de-buis et l’industrie.

Pour qui s’intéresse aux infrastructures qui en France arment les polices européennes, l’usine Nobel Sport de Pont de Buis fait force de loi. Ancienne poudrerie royale sous Louis 14, aujourd’hui dirigée par Gille Roccia, l’usine dont le siège social est situé à Paris contient 6 administrateurs. On peut dire que dans ce village de 3000 habitants l’usine de fabrication de poudres en tout genre est la plus ancrée dans le territoire. Née à la fin du 17ème siècle, principale poudrerie de la région elle a peu à peu donné naissance à la plus jeune commune du Finistère. La charge historique de ce village est essentiellement contenue dans les ruines qui abritaient jadis les poudreries royales, et qui jouxtent aujourd’hui les infrastructures de Nobel Sport. La topographie du village est pour le moins inattendue. Coupé en deux par une rivière, une colline au sud rassemble l’essentiel des habitations et sa voisine au nord contient les 4 km d’enceinte de l’usine.

Pourtant si le nom de ce village résonne dans nos oreilles c’est pour son histoire récente. Le 26 octobre 2013 Pont de Buis occupe tous les journaux télévisés lorsque plusieurs centaines de personnes bardées de bonnets rouges montent à l’assaut d’un portique écotaxe. Évidement la police réplique, et une fois de plus quelqu’un perd sa main en cherchant à renvoyer une grenade offensive. Les média s’en emparent et le mouvement des bonnets rouges prend son envol. Ironie de l’histoire, un habitant de Pont-de-buis perd sa main à cause d’une arme potentiellement fabriquée dans l’usine qui a fait naître son village.

Pour rappel, le mouvement des bonnets rouges émanait à Pont-de-buis d’une conjonction entre le début d’une lutte dans les usines agroalimentaires en déroute et le refus de l’écotaxe parmi les plus gros agriculteurs du département. Notables et ouvriers réunis sous la même bannière.

Et quelque soit l’ambivalence de cette étrange composition, ce mouvement a eu le mérite de mettre en lumière le point de convergence entre ce qui constitue les deux principales courroies de l’économie finistérienne: l’industrie agroalimentaire d’un coté, et l’industrie militaire de l’autre.

Pont-de-buis est à l’évidence le point d’orgue de cette conjonction. Village né de l’industrie militaire, détruit par cette même industrie le 7 août 1975 lorsqu’une explosion tue 4 personnes et souffle 3 kilomètres de maisons, réinvesti plus tard par les ouvriers de l’agroalimentaire, qui se trouvent aujourd’hui brisés par les licenciements à répétition. En somme Pont de Buis concentre tout le désastre économique de ce département.

Pour l’agro-industrie c’est simple, si la faillite programmée par la grande distribution n’a pas raison des agriculteurs, l’état des terres qu’ils cultivent finira de les achever et la production massive de bonnet rouges Armor luxe vendu 5 euros aux manifestants ne changera rien au désastre annoncé.

Aucune analyse ne résume aussi bien l’état de l’agro-industrie bretonne que le décret signé par Stéphane le Foll en janvier 2014 autorisant l’extension des porcheries en Bretagne. Chaque producteur peut à présent agrandir son élevage jusqu’à 5000 nouveaux porcs par an. Et si certains doutent encore de l’effet néfaste d’une telle mesure, il suffit de passer devant une porcherie industrielle pour s’en convaincre. Mais si l’industrie agroalimentaire ne présente plus d’intérêt que pour le sursis permanent qu’elle concède à son inévitable extinction, il nous revient quand même de s’intéresser à ce qui fait la particularité finistérienne en matière de production d’armement. Car ce domaine d’activité a pignon sur rue dans ce coin de la Bretagne.

On retient souvent du Finistère sa combativité contre le nucléaire avec sa lutte déjà légendaire contre une centrale en pays bigouden. Ce que, par contre, on a tendance à oublier, c’est qu’à trente kilomètre à vol d’oiseau de Plogoff, une base de sous marin nucléaire s’est implanté depuis le milieu des années 60, expropriant au passage 400 propriétaires et 6 exploitations agricoles. Autour d’elle, un entrepôt de missiles nucléaires sous la colline de Gwenvenez, le port militaire de Brest, une des plus importante école de gendarmerie du pays, trois compagnies des troupes de choc des fusillier marin à Brest Lanveoc et l’Ile Longue, et une usine de fabrication d’armes pour le maintien de l’ordre. Et pour couronner le tout, une centrale nucléaire en démantèlement depuis plusieurs dizaines d’années à Brénilis.

Bien des luttes ont été menées contre ces infrastructures, permettant parfois de neutraliser leur extension. Entre le début des années 80 et 95 les mobilisations se succèdent sur la presqu’île de Crozon, bloquant notamment le projet d’une nouvelle base sous-marine au Cap de la Chèvre.

Reste qu’aujourd’hui l’industrie de l’armement est l’un des principaux secteurs d’activité. Non qu’il permette à tout le monde de trouver un travail, mais il tente de s’insinuer dans la vie de ce territoire, de devenir l’élément central du décor. Élément central qui a d’ailleurs chassé sans réserve et par l’injonction de l’Europe une part importante des activités côtières de la presqu’île de Crozon.

Il faudrait être fier d’avoir à côté de chez soi des bunker à sous-marin qui ont abrité successivement et depuis1971 Le “Redoutable”, le “Terrible”, le “Foudroyant”, l’ “Indomptable”, le “Tonnant”, et plus récemment, l’”Inflexible”, le “Triomphant”, et encore, le “Téméraire”.

C’est dire si les contingents du maintien de l’ordre à la française avaient de l’humour en 2012 en nommant l’opération « CESAR » pour Notre-Dame-des-Landes.

Dans les années 80 même, la petite industrie de la terreur nucléaire a cru bon de chercher une nouvelle clientèle dans cette région pour lui vendre abris anti-atomiques, tenues étanches, rations alimentaires lyophilisées, ou encore combinaisons et autres compteurs Geiger. Comme une manière de dire aux habitants de la pointe bretonne, vous êtes au bout du monde, restez-y, enfermez-vous, la catastrophe n’est pas loin et personnes ne se soucie de votre existence. C’est simple, qui vit aujourd’hui sur la presqu’île de Crozon est pris en étau entre les récifs vertigineux de la côte et un vaste champs d’expérimentation militaire. Triste sort pour une si belle région.

Depuis 2008, Sarkozy et Hollande sont venus successivement fanfaronner sur la presqu’île pour féliciter l’accueil d’un nouveau missile nucléaire, le M-51 et l’agrandissement des hangars de maintenance. Un des cadre de la maîtrise d’œuvre ira même jusqu’à se vanter des plus aberrantes vérités : « Jamais nous n’étions allés aussi vite pour valider une arme aussi complexe. », de quoi avoir des sueurs froides.

Lors de sa campagne présidentielle en 2012, l’actuel président paraphrasait François Mitterand :

« La stratégie de la France, pays détenteur de l’arme nucléaire, n’est ni offensive, ni défensive, elle est de dissuasion… »

Le moins que l’on puisse dire c’est que sur le terrain du maintien de l’ordre historiquement attaché à cette doctrine, l’effet essentiellement dissuasif de ses apparitions s’est en quelques années dissout sous le nombre croissant de blessés et tués par les armes produites en France, ce au quatre coin de l’Europe et jusqu’au Moyen-Orient. La dissuasion atteint toute ses limites dès lors qu’elle trouve face à elle une détermination sans faille.

Un article du Télégramme datant de juin 2013 s’étonnait des failles de sécurité de la base sous-marine de l’île longue, et plus récemment des drones ont survolé la même base sans se faire intercepter. Tout porte à croire que la portée dissuasive de tous ces équipements dissimule très mal les failles matérielles qu’ils abritent. Nous étions à ce propos surpris le 3 décembre 2014 lorsqu’à 200 manifestants marchant autour des grilles d’enceinte sous une discrète escorte policière, nous avons constaté que le site était à l’arrêt. Il s’agissait alors d’une manifestation qui faisait suite à la mort de Rémy Fraisse un mois plus tôt sur la Zad de Sivens. Les règles de sécurité pour une telle industrie imposent des contraintes de production drastiques et sous contrôle. Aussi la présence d’une foule hostile autour du site constitue déjà un danger suffisant pour interrompre la production.

Nobel Sport est un monstre aux pieds d’argile qui permet aux forces de police et de gendarmerie de tuer et mutiler impunément nos compagnons de lutte.

Retrouvons-nous à Pont de Buis le week-end du 25 octobre 2015.