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La Gauche Indépendantiste Bretonne dont nous sommes une des expressions organisées tient à s’exprimer sur le mouvement qui traverse le monde agricole notamment en Bretagne.

Libre échange et guerre impérialiste

Alors que les industriels et la grande distribution engrangent des profits exorbitants, il est  légitime que les agriculteurs/trices soient justement rémunéré-es.

Les accords de libre échange sont mortifères et il est anormal que, pour soutenir l’effort de guerre d’extension impérialiste que mènent l’Union Européenne et les USA en Ukraine contre l’autre puissance impérialiste en présence dans ce conflit – la Russie -, les poulets Ukrainiens puissent inonder le marché sans aucune restriction ni norme. 

Cela peut sembler étonnant de parler ici de la guerre en Ukraine, mais la guerre « entre États » : c’est la « continuation de la politique selon d’autres moyens », comme le disait le stratège Prussien Clausewitz. La guerre en Ukraine, pour condamnable que soit l’occupation d’une partie de l’Ukraine par la Russie, est de facto motivée par un élargissement de l’UE (et donc du marché agricole) et de l’OTAN. On peut souligner ici combien nous sommes soumis à un matraquage idéologique et médiatique féroce pour soutenir l’effort de guerre ukrainien sans broncher ni interroger ce régime. Et comment se fait-il que l’Ukraine, pas encore membre de l’UE, soit dispensée de norme et autorisée à exporter en masse ses produits agricoles (céréales et poulets)  vers l’UE et que nous n’ayons pas notre mot à dire ?

Qui pouvait penser que cette situation ne serait pas source de contradictions ?

À chaque fois que le marché européen s’est élargi, dans un cadre heureusement moins meurtrier que le conflit en Ukraine, cela s’est fait au détriment des paysans/agriculteurs les moins solides en Bretagne. Et cela a renforcé la concentration des terres, des organes de décisions et de redistribution aux mains de quelques-uns.

La guerre impérialiste en Ukraine est un motif d’augmentation des prix de l’énergie. Dans la grande distribution, l’inflation des produits du quotidien est justifiée par la guerre.

Il est évident que les négociations des prix pour la grande distribution à laquelle se livre le gouvernement pour tenter de prétendre lutter contre l’inflation obligeront les agriculteurs à baisser leurs marges sur les matières à transformer en amont.

C’est cette tenaille qui étrangle certains d’entre eux. Ceux qui ont déjà les conditions de vie les plus dures. Mais le corporatisme qui inclut dans les mêmes structures les plus pauvres et les dirigeants syndicaux de la FNSEA qui sont des business men-women dont les intérêts ne peuvent être ceux de la majorité sociale, ne peuvent permettre la mise en place d’un projet émancipateur et égalitaire, prenant en compte les enjeux climatiques urgents.

Il ne peut y avoir de lutte efficace contre le libre-échange si la Bretagne n’a pas son mot à dire à travers un pouvoir politique breton. 

Cette crise souligne aussi le déficit de représentation de la Bretagne à l’international dans les instances pour défendre les intérêts spécifiques du monde agricole breton au nom du droit à l’égalité entre toutes les nations. C’est la seule façon pour que les effets accords de libre-échange qui mettent les agriculteurs en concurrence soient atténués et que la Bretagne ne soit pas secouée régulièrement par les conséquences brutales d’accords sur lequels elle n’a pas à dire un mot, malgré le poids écrasant de l’agriculture dans l’économie bretonne.

Cela questionne bien sûr l’absence de statut spécifique pour la Bretagne et l’absence de concrétisation des prétendues velléités autonomistes des forces siégeant au Conseil Régional de Bretagne.

Nous soulignons que l’extrême-droite qui tente de surfer sur le mécontentement agricole se garde bien sûr de revendiquer le droit pour la Bretagne à avoir un statut spécifique et à s’émanciper de la tutelle de Paris.

Une sympathie naturelle pour des métiers difficiles, et la recherche d’un autre modèle agricole ?

En raison de liens familiaux, d’une proximité géographique évidente, d’une défense de la ruralité contre la métropolisation, du poids fort de l’agriculture dans l’économie bretonne, il y a une forte sympathie spontanée parmi de larges secteurs du peuple breton envers le monde agricole en réelle souffrance.

Cela n’exonère pas de la nécessaire et urgente élaboration d’un modèle agricole breton prenant en compte les désirs de l’ensemble de la population bretonne pour en finir avec un modèle ultra-productiviste et polluant qui a fait son temps. La Bretagne est riche d’alternatives autour de l’agriculture paysanne, valorisons-la, préservons et développons-la, notamment en accentuant les débouchés collectifs locaux pour ses produits. Pour cela, il faut en avoir les moyens, notamment une capacité d’intervention budgétaire locale renforcée qui fait défaut à la Bretagne en raison de la débilité de son statut. 

Malgré la compréhension de la sympathie populaire naturelle pour le monde agricole breton, nous ne pouvons faire l’économie de certaines critiques à l’endroit de quelques contradictions flagrantes qu’il convient de souligner.

Une partie des dirigeants syndicalistes agricoles se posent en champion de la ruralité contre la gabegie des métropoles qui seraient aux mains de bobos écolos. La critique du modèle de sur-attractivité des métropoles est juste et légitime. Mais nous n’avons pas vu ces derniers mois, hormis dans une certaine mesure à Carhaix, les leaders syndicalistes paysans mobiliser contre la liquidation des hôpitaux publics à Guingamp, Landerneau, Lannion, Pontivy… Ce simple constat rappelle la profondeur des réflexes corporatistes du milieu agricole, qui est prompt à critiquer ceux qui questionnent les conséquences environnementales du modèle agricole breton qui existe depuis 50 ans, en les présentant comme exogènes justement aux zones marquées par la ruralité. Mais que font-ils pour maintenir des services publics au bénéfice de toute la population en zone rurale ?

Trop de charges ? Trop de paperasse ?

Quiconque a un tant soit peu fréquenté les permanences d’Union Locale de syndicat de salariés en zone rurale sait que les ouvriers agricoles sont nombreux (malgré un faible taux de syndicalisation) à solliciter les syndicats pour des recours contre des employeurs agricoles qui, au nom du refus de la paperasse, s’exonèrent de leurs obligations d’employeurs les plus basiques.

Cela a parfois des conséquences dramatiques et irrémédiables.

 

De ce point de vue, si tout le monde comprend bien que moins de normes en matière environnementales est néfaste pour la biodiversité et la nature, il faut aussi entendre et lire les témoignages qui sont pléthores évoquant le non-respect délibéré du code du travail, des rappels des conditions de sécurité dans nombre d’exploitations agricoles. C’est bien souvent au nom d’une certaine phobie administrative que ces employeurs mettent leurs salariés en péril, ou ne les salarient pas dans un cadre légal.

On ne peut oublier que cette richesse produite par les agriculteurs et les ouvriers agricoles vient aussi de ceux qui la rendent possible et la transforme : ouvriers d’usines d’aliments pour bétails, ouvriers d’abattoirs et chauffeurs poids lourds font face à des conditions de travail difficiles, des cadences infernales, des horaires dépassant régulièrement les dix à douze heures de travail journalier, et ce, pour des salaires très bas. Augmentations de salaires et primes sont parfois refusées par les agriculteurs adhérents de la coopérative qui se partagent les bénéfices au lieu de les redistribuer aux ouvriers.

Dans cette période où l’extrême-droite impose sans trop de problèmes ses thématiques xénophobes, nous souhaiterions rappeler la présence de très nombreux travailleurs sans papiers dans les entreprises de l’agro-alimentaire (abattoirs) mais aussi dans le maraîchage et l’élevage. C’est le patronat agricole local qui a recours en connaissance de cause à cette main d’œuvre.

Enfin, si nous ne souhaitons évidemment  pas une judiciarisation du mouvement agricole en cours, nous ne pouvons que constater la totale impunité dont jouissent certains pour des faits qui théoriquement sont réprimables d’un point de vue légal. Cela tranche avec la répression qui continue de s’abattre dans les mêmes endroits de Bretagne contre des syndicalistes de la CGT ou d’autres participants au mouvement de défense des retraites de l’année 2023 pour des faits ayant entraînés bien moins de conséquences concrètes en termes d’atteintes aux biens. Si nous soulignons cette évidence, ce n’est pas pour appeler à la répression, mais plutôt pour remettre en évidence que la justice se rend sur la base de rapports de forces politiques et pas du tout par une gestion individuelles des dossiers comme aiment à nous le prétendre juristes, magistrats et politiciens.

 

Que faire ?

La tentation de ne pas passer à côté d’un mouvement social type Gilets Jaunes, après la défaite du mouvement de défense des retraites, taraude toute une partie de la gauche.

Autour de Nantes, la Confédération Paysanne a mené des actions de filtrage le 25 janvier, défendant leurs points de vue sans se mélanger aux autres organisations d’agriculteurs, valorisant ainsi un point de vue alternatif et « anti-libéral ».

Ainsi, la Confédération Paysanne réclame notamment, en entrant dans le mouvement de contestation, l’Instauration de prix garantis pour les produits agricoles et l’accompagnement  économique à la transition agroécologique à la hauteur des enjeux, la  priorité à l’installation face à l’agrandissement, l’arrêt de  l’artificialisation des terres agricoles.

Si l’appel de la CGT à construire de convergences avec le MODEF (Syndicat Paysan proche du PCF) et la Confédération Paysanne se concrétise dans des initiatives garantissant un minimum d’autonomie de classe, c’est-à-dire traçant une limite entre les intérêts divergents de certaines catégories du « monde agricole » et l’intérêt collectif, il faut y apporter une attention. S’y joindre en tant que militants indépendantistes révolutionnaires veut dire, y construire des moments d’unité populaire ne négligeant pas les revendications suivantes :

  • Non au libre-échange et droit à la représentation de la Bretagne dotée d’un statut politique au niveau international
  • Oui à des prix planchers pour les producteurs leur garantissant des revenus
  • Oui à des aides à la transition par le maintien d’un revenu garanti pour les producteurs voulant changer de modèle !
  • Régularisation des travailleurs sans papiers employés dans les exploitations agricoles et les usines d’agro-alimentaire en Bretagne !
  • Non à la casse des services publics hospitaliers dans les territoires ruraux non liés aux métropoles !
  • Non à l’augmentation des tarifs de l’énergie pour tous !
  • Retour de la distribution de l’énergie dans un cadre public !
  • Hausse des salaires, des pensions et des minimas sociaux !
  • Arrêt de l’aide militaire à la Guerre Impérialiste en Ukraine, des ventes d’armes à Israël et la Turquie et baisse des budgets militaires !
  • Amnistie pour les syndicalistes et manifestants du mouvement contre la réforme des retraites !

War-Sav, la Gauche Indépendantiste Bretonne

 

Une réflexion d’actualité sur la question agricole d’un contributeur de la publication Harz-Labour, qui permet d’aborder l’histoire de la lutte paysanne en Bretagne depuis la Gauche.

Depuis la guerre froide, la figure de la pénurie est régulièrement brandi par les médias et les dirigeants occidentaux pour démontrer la supériorité de l’économie de marché, sur les régimes dits socialistes. Que se soit pour l’URSS d’hier, ou le Venezuela d’aujourd’hui, les images de magasins aux rayons désespérément vides semblent être un argument de propagande aussi recevable que la dénonciation de l’absence de démocratie, ou l’assassinat de manifestants par la police, lorsqu’il s’agit de réaffirmer la prédominance du modèle démocratique capitaliste occidentale sur touts les autres. Dans le même temps, ont continuera bien sur à présenter la misère la plus sombre dans laquelle la mondialisation libérale, et l’héritage coloniale, plongent des millions de personnes en Afrique, en Asie et en Amérique latine comme une fatalité.

Dans une société, ou consommation, liberté, et démocratie, sont aussi étroitement associées que la notre, on peut donc s’étonner du peu de remous que suscite aujourd’hui la pénurie d’un bien de base tel que le beurre. Alors bien sur, notre pénurie de beurre n’est en rien comparable avec les pénuries massives, connues dans le passé par les républiques soviétiques, ou par le Venezuela aujourd’hui. Mais ont s’attendait quand même à des réactions outrées et bruyantes du gouvernement, promettant de tout faire pour que tout revienne rapidement à la normale, et à une intense polémique, qui aurait occupées les médias pendant quelques jours.

De fait, il y a quelque chose de profondément répugnant à entendre les médias nous parler de la responsabilité de la hausse de la demande mondial, ou de celle de la guerre que ce livre industriels et distributeurs, lorsque l’on sait qu’un agriculteur se suicide tout les trois jours, que les fermes continues de disparaître à un rythme aberrant, et que les prix d’achat du lait fixés par les industriels revient à se passer la corde au cou pour le producteur.

En réalité, cette pénurie, ainsi que l’indifférence qui l’accompagne, apparaissent comme les derniers aboutissement de plusieurs siècles de destruction systématique du monde paysan, en vu de sont intégration à la République et à l’économie capitaliste. Si l’on omet les régions de grande production céréalière, depuis longtemps tenues par une poignée de grands propriétaires terriens, et destinées à l’approvisionnement du marché mondial, le temps n’est pas encore si lointain ou les campagnes échangeaient majoritairement selon des logiques économiques pré-capitaliste (par exemple de dons-contre-don, ou de charité, et non de profit), ou le référent d’appartenance y était la communauté locale et non la nation, et ou la perception du monde des individus y était façonnée par la culture orale (qui la plupart du temps était dans une autre langue que le français), le rapport à la nature, et les solidarités collectives.

Ainsi, au cours des siècles précédents, alors que la France se constituait en tant qu’état-nation à partir des villes, les campagnes demeuraient dans un monde à-part. Pour les masses rurales, l’appartenance à la France se résumait alors surtout au fait d’être gouverner par des administrateurs français, et par les contraintes que cela représentait pour elles (impôts et taxes nouveaux, conscriptions, impositions par la force de normes et pratiques étrangères aux valeurs et aux intérêts communautaires ….). Il faudra attendre la boucherie de 1914 pour que les campagnes de l’hexagone s’agrègent complètement à la République, les rescapés rentrant aux pays étant enfin définitivement acculturés, et devant bien trouver un sens à tout ce sang versé. Il suffit de se rendre compte qu’en Bretagne, les derniers enfants de paysans ayant appris le français à l’école n’ont, aujourd’hui encore, que la cinquantaine, pour mesurer la violences des changements que les sociétés paysannes ont dues traverser en très peu de temps.

En parallèle, la modernisation des techniques et des outils agricoles à permis, des l’après-guerre, une incroyable amélioration des conditions de vie et de travail du monde rural. Mais très rapidement, ces améliorations ont été confisquées par le développement d’un système agro-industriel qui est venu totalement déposséder les paysans des avancées qu’ils venaient d’obtenir. A partir des années cinquante, progrès technique et augmentation de la production sont les arguments utilisés pour intégrer à l’économie de marché une nouvelle génération qui cherche à se débarrasser de l’image de plouc accolée au monde paysan. Bernard Lambert, militant des paysans travailleurs résume ainsi la situation de l’époque :

Nous rejetions nos parents, nos anciens parce qu’ils étaient rétrogrades: ils continuaient à travailler avec des chevaux ou des bœufs et refusaient de s’endetter pour ne pas être déconsidérés. Les jeunes estimaient que, pour bien mener son métier, il fallait s’équiper, donc s’endetter (…). Mais dans le même temps, nous commencions à voir les industries agro-alimentaires déferler sur la Bretagne. Elles se sont mises à installer des ateliers intégrés. Nous, les jeunes paysans de l’époque, on a foncé sur les ateliers de veaux, de porcs (…) et puis après sur la fabrication du lait matière brute destiné à être vendu à une laiterie et non plus sous forme de beurre au marché (…). Progressivement, nous sommes devenus des producteurs de matières premières pour un certains nombre de firmes. C’est alors qu’on a commencé à entrevoir, mais péniblement, qu’on s’acheminait vers un rôle de travailleurs à domicile.

Et de poursuivre dans son ouvrage “Les paysans dans la lutte des classes” :

En tout temps et en tout lieu, le capitalisme, dès que les conditions techniques et économiques le lui permettaient, a détruit les modes de productions artisanaux, précapitalistes qu’il trouvait devant lui. En ce qui concerne l’agriculture, il agit de même, tout en lui laissant supporter certains investissements de production qui, au-delà des apparences, sont sous le contrôle effectif des industriel.

Puisque l’agriculture consiste en des modes de productions très difficilement adaptable de manière industrielle, il suffisait de rendre les paysans totalement dépendant des industriels, pour leurs fournitures comme pour leurs débouchés, ainsi que par l’endettement.

Les politiques publiques, poussant vers toujours plus d’agrandissement des exploitations, et de dérégulation des prix, achèveront le travail pour aboutir à la situation que l’on connaît aujourd’hui.

Il ne s’agit pas ici de défendre une civilisation rurale traditionnelle disparue et idéalisée. Celle-ci était profondément injuste et hiérarchisé. Les notables et les propriétaires locaux y régnaient en maître, exerçant leur arbitraire sur des populations très souvent plongées dans la misères. Mais face à la dureté de l’existence et des maîtres, ses mêmes populations avaient aussi développées des formes d’organisations, d’entraides, et de travail en commun, ainsi que de rapport au monde, qu’aucune entreprise civilisatrice ne justifiait de faire disparaître. Dans l’hexagone, et particulièrement en Bretagne, il est marquant de constater que c’est durant les années soixante et soixante-dix, époque à la fois des derniers soubresauts de la civilisation rurale traditionnelle, et des débuts du triomphe du modèle agro-industriel, que l’ont a connu les dernières luttes paysannes massives, et porteuses d’un véritable projet commun pour les campagnes. De nombreux champs de cumulards, et autres accapareurs de terre furent saccagés. Des paysans furent maintenus, ou installés, de force sur leur exploitations, contre les décisions de justices et l’avis des propriétaires. Des affrontements eurent lieu contre les excès du remembrement. Des grèves massives se firent contre les prix d’achat trop bas pratiqués par les industriels, avec blocage des camions de lait sur les tournés de collectes. Au Dresny, en Loire-Atlantique, le ministre de l’agriculture en visite dans une ferme sera même séquestré par 300 paysans. C’est aussi à cette époque que les alliances entre paysans et ouvriers, les premiers ravitaillant les seconds sur les piquets de grève, s’intensifièrent, comme lors de la grève du Joint français à Saint-Brieuc, ou lors de l’éphémère commune de Nantes au printemps 68. C’est enfin sur ce terreau que la lutte contre le projet d’aéroport de Notre Dame des Landes pris racine.

Aujourd’hui, la destruction du monde paysan atteint un stade tel qu’on peine à lui imaginer une issue. De temps à autres, une nouvelle crise voie les routes et parking de grandes surfaces se couvrir à nouveau de barricades de pneus enflammés, mais sans réelle remise en question du système. Aux marges, de nouveaux mouvements d’occupations, unissent toutefois à nouveau paysans du cru et nouvelle génération militante, et tout près d’ici, sur la ZAD, les terres agricoles permettent à niveau de nourrir les luttes.

Nous étions bien deux cents

Une nuit à Saint-Donlay

Armés de nos faucilles

A couper ton maïs.

Jaco et tes semblables

Vous nous volez la terre

Vous ne ferez rien pousser

Qui ne sera coupé.

Préparons nos fourches et nos fusils ! …

M.

Les échanges polémiques sont une très grande tradition des mouvements bretons. Ils peuvent même être salvateurs quand ils permettent de clarifier des positions, de rebattre les cartes des projets politiques respectifs. C’est par exemple les polémiques contre les régionalistes au début du XXe siècle qui ont fait émerger les premiers textes et mouvements indépendantistes bretons, ou encore les poussées polémiques de la gauche dans les années soixante qui ont expulsé les vieux reliquats conceptuels ou militants de la collaboration.

Ces derniers jours, nous avons vu une série d’attaques en règle contre la gauche indépendantiste bretonne depuis l’Agence Bretagne Presse1. Ces attaques sont à bien y regarder pertinentes, non pas sur leur propos, mais sur leurs fonctions. Elles donnent à voir deux mondes qui se regroupent derrière la même idée d’indépendance bretonne, deux choix pour les bretonnes et les bretons qui veulent construire un pays libre. Nous revenons dessus pour que chacun-e puisse véritablement comprendre les routes différentes qu’ouvrent ce combat.

Le centre introuvable

C’est un article de Philippe Argouarc’h qui a lancé la polémique, « Gael Le Rouge, le boulet du mouvement breton », dont l’auteur ne semble pas assumer le propos puisque l’article a été modifié presque une dizaine de fois, même le titre s’est transformé en « Gael Roblin le boulet rouge du mouvement breton ». L’auteur renseigne néanmoins dès la première version sur son idéal indépendantiste, « un peu plus de langue bretonne », « un peu d’autonomie », et surtout « en gardant une économie libérale ». Une vision du monde qui justifie donc facilement tous les hurlements qui suivent contre le concept de lutte de classe. Un phénomène réel que connaissent toutes les personnes salariées et qui est ici rejeté, non pas du fait d’une position nationaliste bas de plafond d’union nationale aux cotés des patrons, mais surtout à cause d’un ralliement complet à l’idéologie capitaliste libérale. Une soumission intellectuelle à ce point puissante que ce modèle économique est définie comme capable de préserver des emplois et l’environnement.

On peut ici très facilement se faire un avis, regardez l’évolution de la France depuis le tournant néo-libéral de 1983, il est difficile d’avoir le sentiment d’être allé vers toujours plus de préservation des emplois et de l’environnement à force de mettre le pays en ordre néo-libéral. Pour les centristes bretons, l’idéal est pourtant toujours accessible. Néanmoins, ce serait la gauche indépendantiste qui s’illusionne dans les idéologies, si occupés que nous sommes à prendre des positions contre le productivisme agricole ou à défendre les homosexuels comme dit Jean Pierre Le Mat2. Dans la droite lignée des Thatcher, Reagan, Macron et autres, pour qui « there is no alternative », car le capitalisme libéral serait le seul système acceptable sur notre terre, la critique des idéologies en soi cache donc toujours une idéologie autre. En partie cachée et donc en partie non assumée, chez nous au moins, nous n’avons pas peur de nos idées.

Ce centrisme introuvable de l’indépendance bretonne donne finalement à voir un idéal tout à fait comparable à l’idéologie française dominante, capitaliste entrepreneuriale start-up, élitiste, anti-féministe, farouchement hostile à la gauche et très permissive face à l’extrême droite. Ce sont les « vrais insoumis » réfractaires à toute idéologie sauf à celles qui les compressent, et qui veulent tout changer pour ne rien changer. Une vision de dirigeants en puissance sans les moyens de l’être, qui d’ailleurs ne s’imaginent la politique que par des mouvements verticaux, des chefs et des décisions d’en haut. D’où le délire, commun d’ailleurs à l’extrême droite, de ramener un mouvement politique à une personne, d’où le “Gael Roblin = la gauche indépendantiste”.

La fausse critique de la violence

Le vieux relent classique de la droite pour attaquer les mouvements d’émancipation est la critique absolue du droit de révolte, et donc de la violence. Les propos contre un caractère supposé intrinsèquement ultra violent de la gauche indépendantiste prennent moult arguments, notamment celui du discours social-démocrate classique que répètent sans cesse les médias et les autorités françaises. Appliqué à la polémique actuelle cela donne : la violence c’est les extrêmes, les extrêmes c’est pareil, les nazis et les antifascistes sont violents, Gael Roblin = Boris Le Lay. Dans ce niveau zéro de l’analyse politique on a par exemple le droit d’être accusé de faire monter le Front National, car selon ABP, s’il y a des émeutes de gauche le FN monte et c’est donc notre faute. Pourtant, la Bretagne est devenue sans conteste une terre d’émeute, même le mouvement breton s’y est mis avec les Bonnets Rouges, et pourtant, c’est en Bretagne que le FN a le plus de mal à s’imposer. Logique ?

Par ailleurs, ces révoltés-mais-pas-trop de l’indépendance critiquent la violence sans pour autant le faire jusqu’au bout, car leur rejet est toujours à la géométrie variable de l’idéologie. Ainsi, on comprend que la violence de la manifestation des Bonnets Rouges de Quimper est bien, que celle du premier FLB – qui n’est pas encore majoritairement à gauche comme il le sera pour la quasi-totalité de son histoire – est bien. A l’inverse, celle des « casseurs » et des FLB-ARB sur tout le reste de leur existence est mal, surtout quand elle attaque un « quasi service social » comme MacDo3.

La critique de la violence est toujours celle d’un camp politique, ici la gauche. Des violences non marquées à gauche seraient pardonnées, et de la même façon la violence de l’État français qui emprisonne, tue, viole et mutile sur son territoire, ses colonies et à l’étranger à longueur de journée, ne semble pas spécialement choquer l’ABP. Le peuple breton subit pourtant comme tout le monde cette violence.

Un discours proche de l’extrême droite

Une proximité maintenant évidente s’est dressée à travers les différents articles de la polémique entre le discours de l’ABP et le discours des extrêmes droites bretonnes, celle d’une lutte à tout prix contre la gauche. Car dans la famille des méchant-e-s gauchistes il y a… Gael Le Rouge bien sûr, mais aussi l’UDB ! Jusqu’à présent il n’y avait pourtant que l’extrême droite pour placer l’UDB dans le camp de l’extrême gauche, car déjà bien trop à gauche pour eux. Comme Boris Le Lay, Breizh Info, Yaouankiz Breizh ou d’autres, l’ABP nous parle maintenant des trotsko-communistes, des marxistes et autres Pol Pot et Staline qui hantent l’Emsav en la personne de l’UDB et de la gauche indépendantiste.

Tous veulent détruire la gauche dans le mouvement breton. Argouarc’h donne d’ailleurs raison aux néo-fascistes de Yaouankiz Breizh sur la manifestation de la réunification de septembre dernier ; pour eux, c’est la faute de l’extrême gauche si elle a été annulée ! D’autres disent pourtant que le cœur du problème n’était pas notre présence, qui est pour le coup traditionnelle dans ce défilé folklorique, mais plutôt l’incruste l’année dernière d’un cortège d’extrême droite qui était une nouveauté historique. Ce que personne ne voulait voir se reproduire, car cette dernière n’est ni la bienvenue en Bretagne, ni la bienvenue dans le mouvement breton. Et cette année encore, c’est la présence annoncée et anticipée de l’extrême droite qui a poussé à l’appel d’un cortège antifasciste. Mais non, pour Argouarc’h et Yaouankiz Breizh, tout cela c’est à cause de l’extrême gauche qui voulait inviter ses copains les casseurs. Il y a clairement maintenant une alliance conceptuelle anti-gauche d’une grande partie des droites et des extrêmes droites bretonnes, peut-être cette alliance deviendra un jour politique !

Comment Argouarc’h ne pourrait-il pas en effet se sentir revigoré auprès des néonazis de Yaouankiz Breizh quand ils s’insurgent contre les « gauchistes de l’Emsav », qu’ils parlent de « l’ultra gauche prétendument bretonne », de « ce marécage de gauchisme», « L’extrême gauche et le terrorisme antifa », « l’hégémonie de l’extrême gauche », et tout ça en un seul communiqué ? Un des derniers articles d’Argouarc’h pourrait d’ailleurs être directement tiré d’un média d’extrême droite bretonne, il fleurte entre la décadence de la civilisation chrétienne, l’islamisation et le danger d’une Bretagne ouverte et solidaire4. A ce rythme là, jusqu’où ira donc monsieur Argouarc’h ?

Une incompréhension catalane et un syndrome français. Cette soudaine poussée de vigueur viriliste de l’ABP contre la gauche indépendantiste se justifie aussi sous l’urgence de l’exemple que devrait nous imposer l’épisode catalan. La vieille rengaine de l’union nationale va de nouveau battre son plein au moment même ou elle devrait se faire pleinement abattre, justement grâce à l’exemple catalan. Il faut dire que ces messieurs ne semblent pas comprendre quelque chose qu’ils n’observent que de loin et dont il est encore bien tôt pour prendre des leçons, si ce n’est celui d’oser transgresser la légalité – mais attention à l’extrémisme… L’union n’est arrivée en Catalogne qu’à un moment décisif d’un long processus, un moment d’union décisif survenu après l’affirmation de multiples forces indépendantistes. Moment décisif qui, de plus, n’est pas tant une simple application politique du droit des peuples à disposer d’eux mêmes par des gouvernants nationalistes en devenir, qu’une « capacité d’une population hétéroclite à s’émanciper des institutions qui la dominent et dont elle ne veut plus »5 comme l’écrivait justement un camarade il y a peu.

Par exemple en Catalogne, sans la puissance de l’extrême gauche tant détestée par l’ABP, les dirigeants nationalistes seraient toujours coincés dans le monde des affaires version Artur Mas et le référendum n’aurait jamais eu lieu, encore moins la déclaration unilatérale d’indépendance. Sans la CUP — gauche indépendantiste qui ose prendre des « positions » sur tout — il n’y aurait pas eu de Puigdemont à la tête de la droite nationaliste et les mobilisations populaires auraient depuis bien longtemps été sacrifiées au profit des négociations avec Madrid sur les questions fiscales. Ce n’est pas seulement la question des impôts qui a radicalisé l’indépendantisme catalan comme le martèlent les médias français et comme le rêvent les breizhous de droite, mais surtout les barrages constitutionnels espagnols aux lois catalanes en général – comme sur la taxation des banques, la spéculation immobilière, l’égalité homme-femme. Dans la vision de l’ABP, la Catalogne n’est donc pas loin d’être extrémiste.

En Catalogne au moins, ils ne rêvent pas de faire un pays libre qui soit à l’image des dirigeants qui les oppriment, car entre l’idéal de la France version Macron et celui de la Bretagne libre version Argouarc’h on se demande bien où est la nuance. C’est ce que la polémique a eu le mérite de nous apprendre. Il y a celles et ceux qui veulent tout changer pour ne rien changer, et il y a la gauche indépendantiste qui ne sépare pas la lutte de libération nationale des combats émancipateurs du genre humain quels qu’ils soient : antifascisme, écologie, féminisme, anticapitalisme sont des luttes pour notre indépendance. A quiconque de choisir ensuite entre une Bretagne libre et une Bretagne des oppressions.

Des militantEs de la Gauche Indépendantiste.


Catégorie faux, sur les approximations récurrentes de Argouarc’h :

La dernière fois que la Gauche indépendantiste bretonne, dont le nom devrait honnêtement être “l’extrême gauche indépendantiste bretonne” a présenté des candidats à des élections, c’était lors des élections européennes de 2014. Aux côtés du Nouveau Parti Anti-capitaliste [NPA] dans la circonscription Ouest, ils n’ont fait que 0,46 % des voix.

Faux, le dernier score – certes pas beaucoup mieux en terme de pourcentages – date des régionales de 2015 et était de 0,62 %. Pour être précis cela faisait donc 7465 voix, donc malgré tout en progression par rapport aux européennes de 2014 ou la liste NPA/Breizhistance avait fait 6461 voix rapportées aux 4 départements de la région administrative. Ce score si faible selon Argouarc’h étant toutefois plus élevé que celui du Parti Breton dont il se réclame et qui avait 0,54 %…

A noter que l’extrême gauche bretonne n’était pas à Quimper ce 2 novembre 2013 pour la grande manifestation des Bonnets rouges qui attira la presse internationale y compris CNN, avec des reportages en Russie et jusqu’en Australie. Elle défilait à Carhaix avec le NPA et la CGT, Europe écologie-Les Verts, le Front de Gauche, le PC dans le cadre d’une contre manifestation appelée par les centrales syndicales parisiennes et dépourvue de toute revendication bretonne.

Faux, le NPA et Breizhistance étaient à la manif de Quimper et de Carhaix, Philippe Poutou était d’ailleurs la seule figure médiatique à défendre face caméra en direct de Quimper la violence légitime de la manifestation. Breizhistance n’a jamais appelé à se rendre à la manifestation de Carhaix en question, mais était présente aux deux manifestations des Bonnets Rouges de Quimper et Carhaix.

« La première fois que la Bretagne fut sous les projecteurs internationaux ce fut suite à l’attentat de Quévert », extrait de la première version de l’article sur Gael Roblin, phrase disparue depuis.

Faux, d’autres attentats ont fait bien plus de bruit à l’international, celui du château de Versailles notamment, sur les installation d’eau à Paris, le Roc’h Tredudon, la centrale de Brennilis, etc.

3. Extrait de la première version supprimée de l’article. On invite monsieur Argouarc’h a aller travailler à Macdo pour prendre la mesure du service social.

 

Jean-Pierre Le Mat qui représentait à lui tout seul la Bretagne aux journées nationales de Corti en Corse ce mois ci n’en finit plus de susciter des réactions chez notre anonyme lectrice dèja auteur du désormais fameux “ Pour sauver la Bretagne, mangez JP Le Mat” . Voici une nouvelle livraison en réponse à deux ou trois autres de ses textes. Les lignes qui suivent n’engagent que leur auteur bien que nous les trouvions fort jubilatoires.

Bretagne-info.

Violence et génétique

Le nationalisme peut être un concept dangereux, d’autant plus quand il est mal compris. Ces derniers temps il a de l’actualité en Europe de l’ouest, autant du coté de l’extrême droite comme en France, en Angleterre, en Allemagne, autant du coté des émancipations indépendantistes écossaises ou catalanes. Un élément renseigne souvent sur l’aspect émancipateur ou oppressif de la question, celui des identités politiques. Le nationalisme de droite ou d’extrême droite se définit presque exclusivement autour d’une fuite de la politique, ne laissant que le concept de nation triomphé seul au dessus de tous les autres, au dessus du concept d’émancipation individuelle et collective également, cela va sans dire.

Le premier et le dernier texte de Jean Pierre Le Mat publié cette année sur 7seizh en est une bonne illustration. Tout s’y articule autour du concept de nation ou de peuple dans un vase clos idéologique qui tourne sur lui même en se mordant la queue. Dans cet espace mort de la pensée où la logique rebondit sur elle même, loin des réalités sociales, historiques et politiques ; la nation se pense par rapport à la nation, pour la nation, avec la nation, et rien ne doit transpercer le système. Démonstration par son texte sur la violence publié au premier jour de cette année, qui donne échos à son texte sur la génétique, le dernier publié en date.

L’introduction historique de son texte sur la violence politique, ou plutôt celtique selon ses idées, frise dores-et-déjà le ridicule. Dès les deux premiers paragraphes, il cale 1532, Anne de Bretagne, le roi Arthur – le tout sur fond d’idéal politique tournant autour de l’« harmonie sociale, la hiérarchie heureuse et consentie, la prospérité de tous ». On dirait la France de Macron. Les celtopates et autres adeptes du nationalisme breton version héroïques-fantastiques apprécieront. Avec l’avènement du monde numérique, ces tendances au remplacement de la pensée politique par l’imagerie est d’ailleurs récurrente. Des pratiques qui reprennent l’héritage d’un certain nationalisme breton où l’on se refuse à la recherche d’analyses et d’actions politiques cohérentes, et qui nécessairement se réfugie dans un folklorisme breton désuet.

Avec la suite du texte on rentre dans le concret et, loin d’améliorer l’ensemble, voilà les idées qui se mettent à tourner entre essentialisation et génétisme. Dans le paragraphe « d’est en ouest » il ressort la distinction de Haute et Basse Bretagne qui, en ce qui ne concerne pas l’histoire des langues ou l’architecture mais la politique, relève d’un découpage fantasmé où se réfugie la pensée incapable de sortir de la focal nationale. Sachez que si vous habitez en Basse ou en Haute Bretagne vous n’avez pas, selon Le Mat, le même rapport à la violence .Ce que la logique, l’histoire et tout le reste contredit en tout point.

C’est-à-dire que Le Mat ramène les questions de violences politiques à une dimension individuelle, irrationnelle, prédisposée par un code génétique ou un emplacement géographique. Est donc exclue de fait la question de la violence comme choix stratégique dans une situation historique et politique concrète. La figure médiatico-politique du casseur est très proche de ce genre d’analyses. Une suite logique pour quelqu’un qui refuse sans doute de voir les oppressions concrètes et les questionnements sur les réponses concrètes à ces dernières. Réponses qui peuvent aussi être la violence. Ce qui en somme veut souvent dire éluder les rapports de forces et les stratégies pour tourner en rond dans l’analyse autour de l’acte et l’acte seul, coupé du réel qui l’a produit.

Dans la différence est-ouest, on se demande bien où sont passées les traditions émeutières bien connues de Rennes et Nantes. Les deux sont en Haute Bretagne, alors que selon lui c’est la Basse Bretagne qui est insoumise depuis toujours alors que l’autre est légaliste. Et les Bonnets Rouges de 1675 qui lancent les émeutes à Rennes, et les premières émeutes révolutionnaires de 1789 à Rennes, et la chouannerie qui était partout, et la Résistance qui était partout, et le mai rampant des années 1970 bretonnes qui étaient aussi fortes dans le Finistère qu’en Loire Atlantique, et les bombes bretonnes de l’après guerre qui pétaient en tout point du pays ?Peut être que l’analyse n’est réservée qu’aux gens qui ont le gène celtique. Et puisque c’est impossible à trouver, de qui parle-t-il vraiment au final ? Des militant-e-s nationalistes uniquement? On tombe plutôt tout simplement ici sur une distinction absurde qui à défaut d’arguments cohérents, notamment historiques, se réfugie donc dans la génétique et l’imagerie folklorique. C’est hors des réalités anciennes et présentes que vit la nation et, pour meubler en concept autour d’elle-même, il faut bien aller chercher ailleurs, comme ici avec les délires sur les gênes. Et on passe très sérieusement du régime alimentaire du panda à la migration des anguilles pour finir sur la recherche du « gêne celtique de l’insoumission », que malheureusement Jean-Pierre confesse ne pas encore avoir trouvé. D’où l’appel à modérer notre « enthousiasme darwinien ». Un développement qui est tout de même hallucinant, mais qu’on comprend bien avec le dernier texte publié par ce monsieur sur la génétique. Quelque chose qui n’est pas inintéressant en soi en effet, mais qui ne fait pas bon de mélanger avec la politique et encore moins avec le nationalisme.

Pour la suite, à défaut de classifier des espèces humaines, JP dresse une dichotomie des plus captivantes entre les « faisous » et les « plaideurs ». Les faisous  ne sont d’ailleurs pas définis très clairement. D’après ce qu’il laisse sous-entendre, c’est un monde flou qui va des acteurs du greenwashing jusqu’aux jardiniers du dimanche. En gros, ce sont des gens qui font, même si on ne sait pas trop non plus exactement ce qu’ils font, c’est la catégorie des gentils.

Les plaideurs, eux à l’inverse, semblent être les responsables des méchantes réglementations écologistes, celles qui embêtent l’agro-buisness sans doute – catégorie donc des méchants. Un drôle de tour de passe-passe qui permet de ne pas faire la différence entre l’offensive contre la spontanéité des organisations populaires et le néo-libéralisme de l’oppresseur qui veut pouvoir opprimer tranquillement. Il y a tout de même un fossé entre ce qui représente la mise en norme de l’ensemble des comportements – où tout est interdit et reste toléré, sauf si vous êtres trop revendicatif et dans ce cas il y a toujours une loi ou une norme x ou y pour vous faire taire – et les plaintes patronales pour donner toujours plus de liberté aux possesseurs du capital. Ce qui ressemble grandement à la droite qui traite de ‘conservateurs’ les gens qui ne veulent pas détruire le code du travail.

Dans un petit passage un peu plus loin sur l’écologie, les luttes contre les grands projets inutiles et imposés se voient d’ailleurs qualifiées de « contestations conservatrices ». Comme l’était Plogoff, comme le sont les oppositions à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ou aux projets miniers donc. Pour JP ce n’est sans doute pas un mot insultant, mais pas sur pour autant qu’il comprenne très bien les choses qui se jouent dans les luttes du genre, et donc qu’il ne comprenne pas très bien certains aspects de la société bretonne qui se démarque particulièrement dans les combats écologistes et contestataires.

Jusqu’ici le texte sur la violence politique de Le Mat n’est donc pas vraiment passionnant, et pourtant le sujet l’est. Il faut attendre la dernière phrase pour enfin tomber sur un propos pertinent.

« Pour avoir une stratégie cohérente, faut-il tenter une synthèse entre l’action légitime et l’idéal des “bonnes” lois ? Ou faut-il définir une priorité de l’une sur l’autre ?
Il nous faut oser, soit la synthèse, soit la priorité entre légitimité et légalité. »

En voilà une bonne idée ! En raison de la société dans laquelle nous vivons, priorité de la légitimé avec plaisir. Vu ce que nous offre l’État français, il est logique de donner la priorité à la légitimité sur la légalité. Comme il sera toujours logique de le faire si des gens comme Jean Pierre Le Mat deviennent dirigeant d’une Bretagne indépendante. On voit mal le JP avec ses copains cinquantenaires en costume cravate en train de lancer des pavés sur la police, ils sont plutôt des interlocuteurs, des sociaux-démocrates capitalistes breizhoù bon teint qui s’imaginent sans doute être les interlocuteurs de l’État français. La frange respectable de l’agitation bretonne, qui comme avec les Bonnets Rouges veut profiter de la contestation populaire pour obtenir des petits pouvoirs régionaux où ils régneront en maître sur une population docile. Le but des interlocuteurs légitimes c’est d’être les futurs gouvernants. Comme quoi on peut être à cheval entre le monde de la légitimé et de la légalité, être gagnant sur tous les tableaux, à condition évidemment que le peuple lui soit perdant à tous les niveaux.

Voici une autre vision de la chose. Elle n’a pas été écrite par notre Le Mat adoré et date de l’époque où JP élevait des moutons en Écosse et en Irlande pour fuir le service militaire – il avait bien raison au passage. « La théorie de la révolution bretonne n’est autre que la théorie de cet immense travail pour accroître la force politique du peuple breton afin, non seulement qu’il détruise la force opprimante, mais surtout qu’il prenne une place libre et créatrice dans le monde. (…) Le mouvement révolutionnaire breton, l’Emsav comme il se nomme lui-même, s’attache à définir avec clarté chacune de ses positions, chacun de ses objectifs, chacune de ses démarches. »

Voici un exemple au hasard du triptyque que propose la citation. Position : insurrectionnelle et reconstructrice – objectif : indépendance émancipatrice – démarche : virer la décomposition nationaliste à la Le Mat.

Et pour finir en bonus, on vous laisse le lien vers les idées de Le Mat généticien politique.

Et en cadeau, une petite citation d’un autre texte plus ancien pour situer un peu l’esprit logique global de JP derrière tout ça.

« Nous autres, Bretons, aimerions trouver en face de nous des nationalistes français de l’envergure de Maurice Barrès. La discussion serait passionnante. ». cf : lien .

Et bien va donc t’installer en France pour discuter avec les adeptes de Barrès, Maurras et autres nationalistes d’ « envergure ».

Qu’il laisse la place en Bretagne pour les Ki Du de Servat, celles et ceux qui disent « Je refuse l’ordre public, ou militaire, ou catholique, nous sommes Bretons et déserteurs, délinquants et saboteurs. »

Forzh Piv.

Une lectrice Végane nous a fait parvenir le texte suivant, une sorte de tribune qui répond à Jean-Pierre Le Mat, auteur d’un texte polémique publié sur 7seizh intitulé “Les végans, ces nouveaux jacobins“. Nous le publions tel quel.

Jean-Pierre Le Mat est un militant nationaliste breton de longue date, refusant le service militaire français dans les années 70, réfugié en Écosse et en Irlande pour échapper à la justice française, il milite par la suite dans l’éphémère Strollad Pobl Vreizh. Il a depuis animé le mouvement des Bonnets Rouges au coté de Thierry Merret de la FDSEA 29 et de Christian Troadec maire de Karaez, il a écrit de nombreux ouvrages et est administrateur de l’Institut de Locarn.

Bretagne Info.



Pour sauver la Bretagne, mangez Jean-Pierre Le Mat.

 Jean-Pierre Le Mat dit beaucoup d’idioties, ça c’est une donnée à laquelle on s’est habitué depuis longtemps. Les citer et les analyser toutes serait une perte de temps considérable. Cette année néanmoins, le Jean-Pierre est en forme. Au premier janvier on a eu le droit à un superbe article sur la violence bretonne et-ou celtique car on ne sait plus trop, et dernièrement une charge contre les végans sortie tout droit de derrière les fagots. Cette fois les pépites étaient trop belles, impensable de les rater. Cette fois, le niveau intellectuel au ras des pâquerettes d’un penseur du pseudo mouvement breton mérite que l’on s’y arrête.

Le problème ce n’est pas lui en particulier mais ce qu’il représente, les idées qu’il participe à véhiculer, ainsi que l’image qu’il donne du combat breton. L’insignifiance de sa pensée est proportionnelle à l’importance politique de sa personne dans les luttes bretonnes contemporaines, malheureusement son nom reste connu. Lui et d’autres représentent d’ailleurs pleinement l’image des cinquantenaires plus ou moins bedonnants du régionalisme et du nationalisme breton en pleine déconfiture. Les Louis Le Melenec, les Troadec, les Bretagne Réunie, Jean-Pierre Le Mat et compagnie, une pitoyable micro-notabilité repeinte en blanc et noir face à qui la jeunesse indépendantiste doit encore faire ses armes. Jean Pierre est tellement en forme cette année qu’il semble volontaire pour commencer, alors déroulons le florilège…

Tout d’abord ce monsieur n’a rien d’autre à faire que de partir en croisade contre les végans. En quoi cette question concerne le nationalisme breton me direz vous ? En rien. Pour que ça le concerne, il suffit de dire que le « dernier avatar » du jacobinisme est le « véganisme ». Étrange concept que l’on nomme plutôt généralement anti-spécisme pour la doctrine, quand le mot végan correspond aux pratiques et aux mouvements politiques et culturels qui s’en réclament.

« Nous devons répondre à leurs délires et à leurs utopies totalitaires. Certes, comme d’habitude, les plus faibles s’y soumettront. Pas moi. ». Merci JP, heureusement que tu es là face à la dictature végan que tout le monde voit évidemment comme une réalité politique flagrante. Il n’y a qu’à voir les fast-food, les super marchés, l’agro-industrie, les champs de maïs à perte de vue et les fermes usines, le véganisme est bel et bien au pouvoir.

Non content de combattre une dictature inexistante, comme les cathos traditionalistes qui s’imaginent vivre dans une dictature féministe ou LGBT, Jean-Pierre prend aussi de la hauteur. « Les premiers à vouloir supprimer nos relations avec notre environnement naturel et culturel furent les Jacobins, pendant la Révolution française. ». Quand on additionne plus de trois faits historiques ensemble pour amener un peu de complexité, on ne peut que dire : non, c’est faux. Ce qui a coupé les communautés, ici comme ailleurs, de leurs environnement d’origine c’est la modernité dans tout son ensemble et ses multiples formes d’aliénation et d’oppression. Par exemple la construction de l’État moderne, de la nation, des savoirs institutionnalisés, des langues officielles, du capitalisme, de la bourgeoisie commerçante, la colonisation de l’Occident puis du monde. Mais aussi les évolutions religieuses et politiques qui débouchent sur les chasses aux sorcières, c’est à dire l’offensive générale contre la place des femmes dans les communautés et contre toutes leurs formes d’auto-organisations et de gestion des savoirs — ce face à quoi le peuple basque s’est d’ailleurs défendu par des actions émeutières contre la justice inquisitoriale. Dans ces épisodes historiques on trouve l’imposition sur la société d’un patriarcat hétéro-normé, de la famille jusqu’aux sphères de pouvoir, avec ses injonctions morales de chasteté, de pudeur, de fidélité et d’hétérosexualité. Et au niveau des savoirs, Kant, Descartes, Hobbes, Hegel, pas un penseur jacobin mais tous des penseurs de la rupture entre l’humain et le monde qui l’entoure. Voilà ce qui a coupé de l’environnement, le jacobinisme et la révolution française ne sont qu’une des suites logiques de la modernité, pas plus pas moins.

Et quels sont les arguments de Jean-Pierre pour vouloir manger du végan ? Les arguments, il les retourne comme une crêpe avec un certain talent il faut dire : «  faire confiance à l’industrie agro-alimentaire pour broyer les graines, extraire la cellulose, rajouter des phytases, éliminer les facteurs anti-nutritionnels. Le végétarien est dépendant d’une industrie qui le dépasse et qui peut lui imposer ses vérités. ». Dans la foulée, il nous explique que le végan mange du steak de soja produit de façon industrielle dans lequel il y a des perturbateurs endocriniens, donc c’est mal. Car c’est bien connu, le végan ne mange que du soja. Et JP de rappeler que la culture de soja n’est pas bonne pour la planète. Argument retourné, victoire par chaos. Donc, on peut être un défenseur de poulet et du cochon en batterie comme Le Mat et prendre les arguments des critiques de l’agro-industrie. Ce qui fait tout de même penser à un militant identitaire qui se plaint du racisme anti blanc.

En plus nous dit JP, « Au Zoopole de Ploufragan, les chercheurs travaillent sur une nourriture des volailles qui ne serait pas en compétition avec la nourriture humaine ». Super on aura encore du boulot dans les poulaillers industriels et dans les abattoirs dirigés par les copains à Jean-Pierre de l’Institut de Locarn, et tout en étant écolo ! C’est pas beau ça ? A quoi bon être végan, pour être écolo venez travailler dans les poulaillers industriels. On propose d’ailleurs à JP d’aller y faire un tour, pas sur qu’il tienne le choc. Et on veut un selfie avec l’heure de pointage à l’entrée et à la sortie.

Car on a oublié de vous dire, mais ce qui est à l’origine de la chronique colère de JP contre les végans, c’est la publication d’une vidéo de L214 sur les conditions d’élevage des futurs pâté Hénaff encore sur pâte. Mais Hénaff c’est Produit en Bretagne, c’est les potes de l’Institut de Locarn, c’est un maillon fondamental entre les champs ruinés par le productivisme et les grandes surfaces qui nous rendent si heureu-ses-x, c’est un fleuron du capitalisme herminé, pas touche à mon pâté. Jean-Pierre il est QLF comme PNL donc il s’est fâché tout rouge. S’il n’a pas de compassion pour les animaux qui vivent dans ces porcheries c’est son problème, il pourrait peut-être dire au moins un mot ou deux sur les hommes et les femmes qui y travaillent. Mais non, lui il va résister à « l’utopie totalitaire » des végans. Un vrai punk.

Au lieu du parler de l’horreur que représentent les filières industrielles du business de la viande pour tous les êtres vivants qui passent par là, il incite au contraire à en faire plus, plus de cochon, plus de poulet, plus de vaches, plus de fermes usines. Il faut savoir que ce monsieur ne se prive pas de déclamer son envie de voir la Bretagne exporter toujours plus de viande et de lait aux nouvelles bourgeoisies de Chine, d’Inde, d’Afrique et d’Amérique Latine. Exporter plus pour palier à l’augmentation apparemment insoutenable du nombre végans en Europe de l’Ouest. Est-ce qu’il sait le Jean-Pierre qu’on peut être presque végétarien sans le vouloir faute de tune quand on est aujourd’hui comme la majorité des gens dans la précarité ? Ne pense-t-il pas que le grand problème de l’élevage c’est le modèle conventionnel et l’étranglement que font les banques et les grandes surfaces sur les exploitations ? Que pour l’élevage comme pour autre chose, la paysannerie, c’est-à-dire le travail de la terre connecté à son environnement, est à l’opposé complet et absolument antinomique avec l’agriculture conventionnelle, le système abattoir-grande surface-exportation ? Sait-il qu’avec l’environnement et l’emploi, la question du problème que représente l’agro-industrie fait partie des préoccupations principales du peuple breton ? La fin du modèle agricole conventionnel par une réforme agraire, ça ne te tente pas JP pour être reconnecté à ton environnement ?

Et on laisse une petite perle pour finir :

« Il y a une coïncidence troublante entre le déclin de l’Europe de l’Ouest, l’agressivité envers elle, et l’attrait européen pour le végétarisme. C’était aussi le cas à la fin de l’empire romain, où la nature était devenue un “problème” : Que peut-on manger ? Faut-il avoir des enfants ? Jusqu’où peut-on se défendre contre une agression ? ».

Vous n’avez rien compris à celle là ? C’est normal ça n’a aucun sens. C’est juste l’imaginaire nationaliste avec ses délires sur la grandeur et la décadence.

Et en parlant nationalisme, l’image et le slogan que Jean-Pierre Le Mat a utilisé pour sa superbe diatribe anti-végan est une production directe d’une forme de syndicalisme qui est très clairement la représentation agricole du Front National dans les campagnes. Pour un nationaliste breton anti-jacobin on fera mieux. Coté gauche indépendantiste à l’inverse on est plutôt Confédération Paysanne, mais chacun ses choix.

Un-e Forzh Piv qui mange de la viande.

P.S : on enchaîne après avec le superbe texte de JP sur la violence.

Aujourd’hui, lundi 22 juin, à 18h30 (voir ici), l’association de promotion du projet d’Aéroport du Grand Ouest à Notre-Dame-des-Landes tiendra une réunion. Dans sa convocation les dirigeants de l’association locale, fortement liée au MEDEF local et à la CCI de Nantes, font savoir que “la FNSEA du Tarn sera présente pour nous expliquer comment elle a travaillé pour préparer l’évacuation des zadistes à Sivens. Nul doute que nous devrons nous en inspirer (..)”

La formation de milices violentes et armées par la FNSEA du Tarn avait été dénoncée par de nombreux observateur de la lutte autour de la ZAD de Sivens, durant laquelle le militant naturaliste Rémi Fraisse avait été tué par la police. voir ici

Le mouvement de contestation, aux revendications diffuses, qui touche la Bretagne depuis plusieurs semaines bénéficie d’une sympathie croissante de multiples acteurs économiques et politiques. Ce mouvement est largement présenté et relayé comme un soulèvement populaire breton opprimé fiscalement par un Etat centralisateur installant encore plus la Bretagne dans une crise économique profonde.

S’il est vrai que la domination institutionnelle exercée par l’Etat jacobin nuit à l’émancipation économique et politique de la Bretagne, il ne faut pas se laisser aveugler par les intérêts économiques opportunistes revendiqués par certains acteurs de la contestation, au premier plan la FDSEA et nombre de grands patrons licenciant leurs employés sur l’autel des profits. Sous couvert de défense de l’économie de la Bretagne, certains acteurs économiques de la lutte, chantres du libéralisme, cherchent à rallier la population bretonne à leur cause capitaliste et productiviste. Ce processus de ralliement se traduit par les multiples soutiens politiques de droite et d’extrême-droite, bretonne ou française,apportés aux Bonnets Rouges, aux travers des différents réseaux sociaux aussi. Or, derrière cette dite solidarité, il faut bien avoir à l’esprit le paramètre opportuniste dans la prétendue lutte pour la pérennité de l’économie bretonne.

Il est désormais acquis et reconnu par le biais de nombreuses enquêtes d’opinion, que les Bretons montrent un très fort attachement à leur langue, leur culture, leur histoire et tout autre élément constitutif de notre identité. Il faut certainement y voir un lien dans  la forte approbation du peuple breton envers le mouvement de contestation.

Le fait de ne pas posséder d’outil institutionnel en Bretagne, doté de réelles compétences législatives et réglementaires,afin d’exprimer de légitimes revendications voit la population et une partie de ses élus contrainte de le faire dans la rue par les manifestations. Nous y reviendrons en conclusion de cette analyse.

Pour autant, cette contestation met aussi en avant l’instrumentalisation de la spécificité bretonne dont le but est la propagation d’idéologies diverses n’ayant aucun lien avec une éventuelle émancipation économique et politique de la Bretagne. Ainsi, nous assistons ici et là, à une récupération honteuse et souvent erronée, des symboles qui font l’Histoire de la Bretagne (Gwenn-Ha-Du, Bonnets Rouges, Anne de Bretagne, etc…) afin d’attirer la sympathie du peuple breton. Ne soyons pas être dupes de cette abusive utilisation !

Cette manipulation est en partie orchestrée par des groupes proches des cercles de pensées néolibérales, antifiscales ou pires encore, par des groupes d’extrême droite. Ni l’extrême droite française par le biais du FN ou de ses sbires duRenouveau Français, ni l’extrême droitebretonne par celui des groupuscules Adsav et Jeune Bretagne, tout aussi racistes et néo-fascistes que leur pourvoyeur de fond du FN,  ne sont parvenus à s’implanter durablement en Bretagne malgré un argumentaire populiste surfant sur la crise économique. Malgré un opportunisme à tout crin à chaque mouvement de contestation remettant en cause un système libéral dont il est l’acteur le plus pernicieux. Le mouvement de contestation actuel en Bretagne n’échappe pas à la règle. Cette récupération honteuse a été affichée par Marine Le Pen qui a arborée le symbole du bonnet rouge sur son profil Twitter alors qu’elle est, rappelons-le, une farouche opposante à toute forme de régionalisme et qu’elle compte de nombreux royalistes dans ses rangs ! Son père quant à lui est apparu coiffé du même bonnet rouge sous l’œil des caméras. Des membres d’extrême droite ont aussi utilisé le symbole des Bonnets Rouges le 11 novembre dernier alors qu’ils conspuaient le président français François Hollande sur les Champs-Élysées à Paris.Nous dénonçons fermementces agissements et devons faire preuve d’une extrême vigilance face au réel danger que représente le vote d’extrême droite lors des élections municipales de mars 2014 et européennes de mai 2014.

C’est pourquoi la contestation populaire en Bretagne ne doit être récupérée pour servir les revendications d’intérêts politiques ou économiques contraire à une émancipation sociale des travailleurs bretons en tant que peuple. Seul le peuple breton pourrait avoir une légitimité à décider de son avenir si la Bretagne était réellement dotée d’institutions démocratiques afin d’en délibérer.

Quelles institutions démocratiques ? Les institutions actuelles, l’Assemblée Nationale française, les Conseils régionaux ou départementaux,produits du modèle centraliste de l’Etat Français, ne répondent pas aux enjeux soulevés par la crise bretonne. Pour obtenir le maximum de souveraineté dans tous les champs politiques et une représentation directe de la Bretagne dans les instances européennes et internationales, seule la création d’un parlement doté de compétences législatives et réglementaires, à l’instar de l’Ecosse, du Pays de Galles, du Pays Basque ou de la Catalogne, permettra de mener une réelle politique de proximité à même de répondre à la périphéricité de notre territoire.

Ces compétences nouvelles devront s’accompagner d’une fiscalité et d’un budget en conséquence afin d’opérer en profondeur les réorientationséconomiques, sociales et environnementales indispensables pour répondre à la crise traversée actuellement par la Bretagne.

 La rédaction de Bretagne-Info.

La Gauche Indépendantiste Bretonne -Breizhistance-IS- appelle à manifester le 2 novembre à Quimper pour le droit à vivre, travailler et décider en Bretagne, Loire-Atlantique incluse.

Depuis plusieurs mois en Bretagne les plans de licenciement se multiplient dans l’agroalimentaire, dans l’automobile, dans l’électronique : GAD, Doux, Marine Harvest, Tilly-Sabco, Boutet-Nicolas, PSA,  Alcatel-Lucent… Près de 7000 emplois directs sont menacés. Avec les emplois induits le seul horizon qui se dessine ce sont des zones dévastées par le chômage, menacées de désertification, où après les usines ce sont les commerces, les écoles, qui fermeront les uns après les autres. Nous refusons de croire que c’est l’avenir de la Bretagne. La gravité de la situation nécessite la mobilisation de tous et de toutes pour maintenir l’emploi, obtenir l’arrêt des licenciements et offrir au peuple breton la possibilité institutionnelle de décider lui-même de son avenir, pour qu’il puisse cesser d’être à la merci de ceux qui nous ont conduits à ce marasme et qui cherchent à fuir leurs responsabilités en exploitant la colère légitime du monde du travail pour leurs seuls intérêts.

L’attention des médias se focalise sur l’écotaxe mais la seule chose que démontre la mobilisation contre cette nouvelle fiscalité est la nécessité pour la Bretagne de pouvoir elle-même décider de sa politique fiscale. Car ce qui est en cause c’est bien l’incapacité de l’État français à gérer l’avenir d’un pays dont il ignore sciemment les spécificités et la périphéricité. Si la collecte du lait est hors taxe il doit en être de même pour d’autres transports comme les transferts locaux d’animaux vers les abattoirs ou encore ceux d’alimentation pour le bétail qui ne peuvent se faire que par la route. La taxe telle qu’elle est imposée ne se préoccupe ni de proposer un modèle alternatif de transport ni de l’impossibilité pour les axes de campagnes de s’intégrer au ferroutage qui n’est pas même, du reste, évoqué dans le projet.

Les chefs d’entreprises qui profitent aujourd’hui de la détresse des salariés au travers de cette contestation croient échapper à leur culpabilité dans le naufrage qui s’annonce. Mais ne nous y trompons pas, c’est bien le capitalisme qui a créé ce modèle agricole ultra-productiviste, destructeur de notre environnement et qui conduit aujourd’hui à cette impasse. Ce sont bien les entrepreneurs de l’agroalimentaire qui licencient, ce sont bien la FNSEA et le Crédit Agricole qui enferment les agriculteurs dans leur logique libérale qui les mène à la faillite, ce sont bien les entreprises de transport qui tirent toujours vers le bas les salaires et les conditions de travail de leurs salariés. Tous, sous couvert de compétitivité dans la mondialisation ne recherchent que le profit maximal qui leur permettra de rémunérer grassement leurs actionnaires. Ces actionnaires qui poussent au dumping social : faire pression pour compenser le retard de rémunération du capital imputé à la crise en demandant une réduction des charges qui passe par des licenciements massifs de salariés et des délocalisations dans des pays à faible coût de main d’œuvre.

Tous ne défendent que la mise en concurrence avec pour seule variable d’ajustement les emplois qu’ils détruisent au nom du coût du travail. Ce sont les travailleurs qui doivent être défendus. Ce sont eux qui produisent les richesses et qui font les entreprises. Nous ne pouvons laisser le patronat récupérer le fruit de la mobilisation dans son simple intérêt, alors qu’il monte les travailleurs les uns contre les autres, comme aux abattoirs de GAD à Josselin, alors que les salariés auraient dû se mobiliser dans la solidarité pour défendre leurs emplois partout en Bretagne. Voilà pourquoi le 2 novembre, à Quimper, nous manifesterons pour l’emploi et pas derrière les patrons, les directeurs de la grande distribution ou les papes du productivisme agricole !

Nous appelons l’ensemble des salariés, des syndicats et des organisations de la société civile à créer des comités locaux de lutte et de défense des salariés menacés de licenciements partout en Bretagne.

Nous manifesterons pour pouvoir vivre au pays et construire une société permettant aux travailleuses et travailleurs de Bretagne de s’émanciper en tant que peuple, nous manifesterons pour travailler dans un pays où les droits des travailleuses et travailleurs bretons seront respectés et non utilisés par la classe dominante à son profit, nous manifesterons pour pouvoir décider au pays par la création d’un parlement breton doté de compétences législatives et décisionnelles en matière de fiscalité et de choix économiques seules garantes de la gestion des intérêts du peuple breton.

Les manifestants se réunissant avant que les gendarmes ne se mettent en tenu et lancent les premières lacrymo
Les manifestants se réunissant avant que les gendarmes ne se mettent en tenu et lancent les premières lacrymo

BREIZHISTANCE-Indépendance et Socialisme tient à apporter son soutien et l’expression de sa solidarité face à l’arrestation hier au SPACE de deux syndicalistes paysans, Gérard Durand et Dominique Lebreton représentants de la Confédération Paysanne de Loire-Atlantique.

Hier devant le hall 5, où la FNSEA accueillait le ministre de l’agriculture venu annoncer les « mesures » d’aide mesurées du gouvernement face à la crise que subissent les éleveurs, 600 membres de la Coordination Rurale, de l’APLI et de la Confédération Paysanne, manifestaient d’une part pour un réel accord sur les prix face aux grandes industries agroalimentaires et non des aides qui ne règlent pas le problème, et, d’autres part, pour une représentation démocratique des paysans dans les intreprofessions.

En effet après la grave crise du prix du lait qu’ont traversé les producteurs, les accords aux rabais sur le prix du lait signés avec l’Etat l’avaient été exclusivement avec la FNSEA. De plus, au début de l’été le parlement français votait très majoritairement la Loi de Modernisation de l’Agriculture qui confortait la gestion unique d’un système de contractualisation et d’assurance par les interprofessions aux mains de la seule FNSEA. Pourtant l’ensemble des producteurs sont cotisants dans leur interprofession. C’est bien pour dénoncer ce système de représentation injuste que la Confédération Paysanne occupe la maison du Lait à Paris depuis cet été.

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Les incidents d’hier ne sont que la suite logique de ces décisions accompagnées de consort par l’Etat français et la FNSEA, et ce n’est pas un hasard si ce sont les stands du Ministère de l’Agriculture, du Centre Nationale Interprofessionel de l’Economie Laitière et de la FNSEA qui ont été saccagés par les manifestants. D’autant que le matin les interventions policières violentes avaient chauffés les esprits. C’est dans ce contexte que G. Durand et D. Lebreton ont été violemment arrêté alors qu’ils occupaient pacifiquement le stand du Ministère juchés sur un pylone. Les poursuites dont ils font aujourd’hui l’objet ne visent qu’a discréditer le mouvement paysan et sont injustifiées. C’est l’ensemble de ce mouvement ainsi que toute la population bretonne doivent maintenant les soutenir.

Gérard Durand
Gérard Durand

Il est clair que les FDSEA sont loin d’avoir une majorité évidente dans les chambres d’agricultures bretonnes, et que seul un pouvoir politique et représentation démocratique des paysans Bretons, tout comme de l’ensemble du peuple Breton, nous permettra de défendre ici, en Bretagne, l’agriculture paysanne et une production au service de la société et non de grands groupes privés.