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françoise morvan

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Cette contribution sur le drapeau “Kroaz Du” (Croix Noire) émane d’une lecteur de notre site et n’engage que lui. C’est un texte avec beaucoup d’informations historiques et qui prétend ouvrir le débat.

Bonne lecture !

Bretagne info.

Résistants antifascistes du groupe Liberté dans le secteur de St Nazaire membres du PNB
Résistants antifascistes du groupe Liberté, membres du PNB, dans le secteur de Saint-Nazaire

Tout le monde connait le drapeau breton, on le voit partout et depuis des années. Enfin tout du moins, c’est un des drapeaux bretons que tout le monde connait. Puisque la Bretagne n’a pas d’existence officielle – le symbole de la région n’est considéré par personne comme drapeau et à juste titre – il n’y a que l’adhésion populaire massive à un symbole breton qui lui donne sa légitimé. En cela, le Gwenn-ha-Du est indétrônable depuis plusieurs décennies, on le voit dans des manifestations de tous bords politiques, sur certaines mairies, sur les plaques d’immatriculations de quatre départements bretons sur cinq. Néanmoins, ce dernier est concurrencé depuis quelques temps par un nouveau venu : la Kroaz Du, à l’esthétique simpliste d’une croix noire sur fond blanc. Son arrivée tardive n’est au départ pas liée à un milieu particulier, que ce soit politique ou autre. Il a toutefois été très largement approprié depuis les années 2000 par divers tendances de l’extrême droite locale, lui apportant maintenant une connotation bien particulière.

A faire l’historique de ces deux drapeaux, leurs apparitions contemporaines sont d’ailleurs toutes deux situées dans l’Entre-deux-guerres. Certes, les arguments en faveur de la Kroaz Du incitent sur son aspect ancien, il serait LE plus vieux drapeau de Bretagne. Sans trop savoir pourquoi, l’idée logique est qu’il est le plus vieux et donc le plus légitime. Argument somme toute réactionnaire, la légitimé populaire actuelle du Gwenn-ha-Du surpassant largement le critère de l’ancienneté. Le statu quo disant qu’il y a deux drapeaux à la Bretagne, l’ancienne Kroaz Du et le nouveau Gwenn-ha-Du. S’il existe des traces moyenâgeuses de la Kroaz Du en effet, ce n’est que très récemment qu’il a acquis ou réacquis le titre de drapeau breton. Jusqu’au XXe siècle en effet, le seul drapeau à représenter la Bretagne est celui duché, un fond blanc tacheté d’hermines noires.

L’origine de la réapparition de la Kroaz Du est d’ailleurs au départ très proche des milieux qu’elle retrouvera, la droite et l’extrême droite des mouvements bretons. Pour situer le contexte de ce come-back, il faut revenir à l’été 1937 aux fêtes du Bleun Brug – groupement militant breton et catholique – à Plougastel. Des jeunes militants nationalistes du PNB s’y font remarquer en brulant des drapeaux français. En plus de cela, des Gwenn ha Du sont affichés lors de la fête. S’il est à l’époque le drapeau des militant-e-s breton-ne-s, il n’a pas en dehors de ces cercles d’une grande notoriété ou popularité. Léo Le Berre, barde régionaliste connu sous le nom d’Abalor le qualifie de « caleçon américain ».

Et le nom est d’ailleurs à l’époque fortement connoté, Gwenn-ha-Du est aussi le nom d’un groupe clandestin qui depuis 1932 s’est imposé sur le devant de la scène par quelques attentats, non sanglants mais parfois spectaculaires. Le drapeau n’est alors pas très vieux, il a été créé dans les années 1920 par Morvan Marchal et Ronan Clec’h, avec l’idée de se débarrasser du vieux drapeau ducal au profit d’un moderne qui serait symbole d’une Bretagne de la modernité. Son esthétique est empruntée au drapeau américain et grec, deux pays créés à partir d’une guerre d’indépendance, et pour les Etats-Unis du fait de l’attrait des créateurs pour les idées fédéralistes.

Pour en revenir à l’été 1937, la conséquence des démonstrations nationalistes au Bleun Brug ne tarde pas. Arthur de Dieuleveut — ça ne s’invente pas — proche de l’Action Française, donne sa démission de la présidence du Bleun Brug. Raymond Delaporte prend sa place, c’est lui qui dirigera aussi le principal parti breton collaborationniste pendant la deuxième guerre mondiale. L’année suivante aux fêtes du Bleun Brug à Lannion en septembre, des Gwenn-ha-Du sont à nouveau présents.

Le chanoine Joncour écrit alors à l’influent et proche des nationalistes abbé Perrot en octobre pour lui dire que « Monseigneur Duparc [l’évêque de Quimper] n’assistera plus au Bleun Brug à l’ombre du gwenn ha du, qui est une création de Breiz Atao et l’emblème des autonomistes de tout nom ». Des proches de Perrot — Xavier Langlais et Henri Caouissin — préparent alors un nouveau drapeau pour les prochaines fêtes, en changeant par exemple le noir du Gwenn ha Du en violet, couleur du Bleun Brug et de l’évêque. Delaporte propose finalement un drapeau blanc avec une croix noire, présenté comme « drapeau des Bretons de la Cordelière ». Perrot n’est pas fan, « c’est un peu mortuaire » dit-il… Une phrase au sens particulier quand on sait qu’après avoir été exécuté par la résistance communiste en 1943, son nom sera repris par la Bezen Perrot, petite troupe bretonne au service de la SS responsable de nombreuses exactions en Bretagne. Et le drapeau de cette unité Perrot est justement la Kroaz Du…

Autant dire que jusque-là l’histoire ce drapeau n’est donc pas vraiment glorieuse. Dans l’après-guerre on ne le voit bien évidemment pas beaucoup. Il faut attendre au final la fin du XXe siècle pour que son utilisation commence à se diffuser. Dans certains cercles néanmoins, principalement les mondes culturels et politiques bretons, et de toutes les tendances. Avec le mouvement des Bonnets Rouges de 2013, on peut dire qu’il commence à se populariser. Il n’est d’ailleurs pas réservé à l’extrême-droite même si cette dernière l’utilise abondamment et a participé à son implantation.

Une kroaz du dans un cortège de la Gauche Indépendantiste
Une kroaz du dans un cortège de la Gauche Indépendantiste !

En 2011, le site néo-nazi Breiz Atao, le choisi car : « esthétique irréprochable, supérieure à celle du GHD. (…), c’est le drapeau du christianisme militaire porté par les Croisés Bretons jusqu’à Jérusalem et hissé sur la mosquée Al Aqsa devenue ensuite le quartier général des Templiers. ». Ce drapeau a en effet été utilisé dans la troisième croisade pour la Bretagne, chaque pays se voyait assigner une croix à ses couleurs, à l’inverse des précédentes croisades où la croix rouge sur fond blanc était la seule utilisée. Et quitte à être sur le thème, cette troisième croisade n’a pas réussi à coloniser l’arrière-pays palestinien, ni à prendre Jérusalem, et la Kroaz Du n’a donc pas été hissée sur la mosquée Al-Aqsa. Cette référence et l’attrait de l’extrême droite bretonne pour la Kroaz Du est logique, elle a comme beaucoup d’extrêmes droites européennes un fantasme sur l’imagerie des croisades. Ce qui est lié à la supposée actuelle guerre religieuse qu’ils imaginent ou qu’ils espèrent mener. D’autant que les gauches bretonnes n’utilisent pas ce drapeau mais toujours le Gwenn ha Du, l’extrême droite cherche donc à s’attribuer un symbole breton spécifique.
Comme dit la plume salasse de Boris Le Lay pour finir en beauté : « Il est un emblème de choix pour les BREIZHOURION. La Croix ne satisfait ni la canaille socialiste, ni les allogènes mahométans non plus que les cosmopolites. On le préférera donc désormais au Gwenn Ha Du. »

Du coté de Yann Vallérie et de son site Breizh Info, qui roule pour le FN mais qui, le cul entre deux chaises, tente de garder une fesse coté breton, les deux drapeaux sont appréciés. Il n’aime pas par contre que l’on attaque la Kroaz Du, il s’insurge par exemple contre Fañch Broudic, de gauche, qui ose la critiquer.  « Ce drapeau, blanc frappé d’une croix noire est pourtant un des plus anciens drapeaux bretons connus, utilisés par les croisés Bretons se rendant aux croisades, puis par les navires sous pavillon Breton ». Mais le grand fan de Marine Le Pen n’a pas dit grand-chose en 2015, quand quelques nazillons bretons pro FN — parti qui veut supprimer la Bretagne au passage — avaient sortis des Kroaz Du au rassemblement du 1er mai à Paris. Et ce non pas aux cris de « BZH libre » mais de « mangeons du cochon», avant de se voir obligés de ranger leurs bannières, de prendre peut être un drapeau français à la place. Allez, couché toutou !
On a aussi aperçu des Kroaz Du en septembre 2016 à la manif de réunification dans le cortège de Yaouankiz Breizh, des militants d‘extrême droite qui se tapent l’incruste depuis que Bretagne Réunie leur laisse la porte ouverte et que 44=BZH n’est plus toujours là pour les savater. Ce collectif mort-né aurait d’ailleurs dû s’appeler Yaouankiz Vreizh, mais on ne va pas non plus espérer que les militants de l’Action Française ou d’Adsav maitrisent les règles des mutations en langue bretonne.

yaouankiz-vreizh

Un autre élément intéressant sur les rapports entre mouvements politiques et drapeaux bretons est que dans les années 2000-2010, à mesure que l’extrême droite bretonne tente d’imposer la Kroaz Du, d’autres mouvements tentent de décrédibiliser le Gwenn-ha-Du. Et ça brasse large, une belle alliance sacrée du nationalisme français, du Front de gauche à l’UPR, charge contre le Gwenn-ha-Du, car il serait un drapeau fasciste antirépublicain, etc.  Ils reprennent tous les interprétations pleines d’erreurs historiques de chez Françoise Morvan, la parisienne à succès en ce qui concerne la question bretonne, qui a autant d’audience dans l’extrême droite française que chez les mélenchonistes. L’argument étant que les bandes noires et blanches représentent les évêchés, organisation d’avant la Révolution, donc drapeau contre-révolutionnaire et fasciste car utilisé par des militants collabos. Alors que des nationalistes résistant-e-s l’utilisaient aussi, alors que les bandes représentent les pays bretons de langue gallèse ou bretonne, c’est-à-dire les pays aux réalités sociales et historiques comme le Trégor ou le pays Nantais bien plus que des structures cléricales.
En cela, les drapeaux bretons attisent encore bien des passions. D’un côté, l’extrême droite bretonne tente de s’approprier ouvertement la Kroaz Du à cause d’une symbolique qui fleurte bon avec sa nouvelle obsession du moment contre l’islam, et qui a une histoire récente très connotée collaboration et nazisme — ce qui pour des antifascistes n’est bien évidemment pas acceptable. De l’autre, les mouvements nationalistes de droite ou de la gauche coloniale tentent de salir le drapeau qui s’est imposé comme celui de notre peuple par la seule force de la réappropriation populaire. Un phénomène qui donne évidement au Gwenn-ha-Du des entrées dans de multiples milieux, y compris ceux que les indépendantistes de gauche combattent, justement car il est un drapeau populaire qui n’est pas limité à une famille politique. Certains propos vis-à-vis du Gwenn-ha-Du traduisent parfois de réflexes coloniaux, que nous mettons sur le même niveau que les hurlements des franchouillards face à la présence de drapeaux algériens dans les rues après des matchs de foot. Alors qu’au final, c’est la Kroaz Du qui a de quoi faire hurler, sans pour autant tomber dans l’attaque générale contre toute personne qui en arbore une. Certain-e-s ne le font que pour l’aspect historique ancien, et beaucoup ne connaissent pas l’histoire récente qui l’accompagne. En Bretagne, nous ne connaissons pas notre histoire, alors l’histoire des mouvements bretons, tout comme celle de ses symboles, est d’autant plus inconnue.
Et à celles et ceux qui face à un Gwenn-ha-Du disent « brulons tous les drapeaux ! », posez-vous la question, vous bruleriez un drapeau palestinien vous ? Ou un drapeau Kanak, ou un drapeau gay, ou un drapeau rouge et noir ? Réfléchissez, brulez plutôt un drapeau français.

YFP.

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Censure politique et « omerta » à l’institut d’études politiques ( IEP ) de Rennes.

Ou le retour de Morvan Françoise

« Y a-t-il deux cultures bretonnes ? »

Tel est le thème du débat organisé à l’occasion de la sortie du supplément spécial Rennes des Inrockuptibles, le jeudi 1er décembre à 18h à l’Institut d’Études Politiques de Rennes.

Voici la liste des intervenants  d’après les organisateurs…..

  • Jean Marc Huitorel

Commissaire d’exposition, critique d’art à Art Press et membre du comité de suivi de La Criée, centre d’art contemporain à Rennes.

  • Françoise Morvan et André Markowicz

Écrivains et traducteurs. Françoise Morvan a dénoncé le nationalisme breton et ses dérives identitaires dans son ouvrage “le Monde comme si” (chez Actes Sud) qui a suscité de vives réactions.

  • Alain Dreyfus

Journaliste au “Inrockuptibles“, rédacteur en chef du supplément Rennes.
 

Ne cherchez pas les contradicteurs, il n’y en aura pas.

Est-il besoin de présenter Françoise Morvan et André Markowicz ? En quelques mots, ces personnes se plaignent de l’emprise des « nationalistes bretons » sur la culture en Bretagne. Des “nationalistes bretons” qui pour le couple sont tous des  collabos. C’est leur sujet de prédilection et ils noircissent beaucoup de papier à ce sujet depuis quelques années.

 

Leur ‘brillante’ démonstration est simplissime  :

Des nationalistes bretons ont collaborés pendant la deuxième guerre mondiale DONC tous ceux et celles qui défendent la langue bretonne comme langue d’une communauté ayant le droit de prendre son destin en main, en clair tous les gens œuvrant de près ou de loin à l’évolution institutionnelle de la Bretagne, sont des héritiers de collabos manipulés par le grand patronat breton.

A force de le répéter ça a fini par lasser. Et peu de médias locaux se font encore l’écho des élucubrations insultantes et des raccourcis de Morvan et de son Groupe Information Bretagne. Le “péril ethniciste breton” aurait donc fait son temps. Elle peut encore toutefois compter sur le soutien de Mélenchon, du Parti des Travailleurs, d’une partie de Force Ouvrière donc, et de leur annexe la libre-pensée, ainsi que d’une partie de la Fédération Anarchiste.

D’après elle Madame Morvan serait victime d’une « OMERTA », car ses « thèses » dérangeraient. Après que madame Morvan ait été conviée à participer au débat sur la culture bretonne à l’IEP, certains se sont dit que ça aurait pu valoir le coup d’inviter un ou deux contradicteurs compétant en la matière.

Le directeur de l’IEP, Patrick le Floc’h, n’a visiblement pas vraiment œuvré pour en trouver un. Il n’a pas pensé à contacter, par exemple, à inviter le vice-président chargé de la politique culturelle au conseil régional Jean-Michel Le Boulanger , ou encore ses homologues à la ville de Rennes. Ni, par exemple,  Tudi Kernaleguen , ex étudiant de L’IEP de Rennes et auteur entres autres, de nombreux ouvrages remontant à la source de la rencontre entre idées de gauche et identité bretonne.

Alain Dreyfus des « inrockuptibles » a donc contacté,  Gael Roblin,  rennais, militant de la gauche indépendantiste, ancien élu au Conseil d’Administration de Rennes 2 et membre du Conseil Culturel de Bretagne, troisième chambre du conseil régional.

Notre camarade, contrairement à d’autres, a volontiers accepté le débat.

Alain Dreyfus témoigne : « J’ai eu une longue conversation téléphonique avec lui. Il a témoigné d’un grand respect pour la personne de Françoise Morvan, et d’un profond désaccord pour les thèses qu’elle défend sur la langue bretonne et son enseignement. Cette conversation m’a donné l’impression que l’on pouvait, dans ces conditions, organiser un débat de bonne qualité, sans anathèmes ni invectives »

Il aurait sans doute été délicat pour Françoise Morvan de tenter de le présenter comme un nostalgique du troisième Reich ou pour un laquais du patronat, fût-il « breton ».  Les nombreuses menaces dont il fait l’objet de de la part de divers groupes d’extrême-droite (y compris locale) en sont la preuve.

Nous ne savons pas si Françoise Morvan fait pression sur l’IEP. Mais Patrick le Floch, le directeur de l’IEP, s’est formellement opposé à la présence de Gael Roblin à la tribune de ce « débat ». Arguant des raisons de sécurité rendant sa venue impossible car« il avait trop de problèmes avec l’extrême-gauche à Rennes… »

Paradoxalement voilà bien une preuve supplémentaire que certains raccourcis énoncés comme des vérités par le procureur Morvan Françoise sont bien ridicules. Patrick le Floch le directeur de l’IEP a donc  interdit la tribune à la gauche indépendantiste bretonne. Démontrant ainsi une conception particulière de sa mission, un parti-pris évident et une nostalgie certaine pour la censure politique.

Certains parlent de « république des idées »….Toutes les idées ? Ou seulement celles visant à caricaturer, ostraciser le combat pour une vraie démocratie en Bretagne ?

Qu’en pensent les étudiants et les enseignants de l’IEP ? Nous nous restons ouverts au débat.