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Le collectif Solidarité Kanaky relaie cette lettre ouverte signée par l’ensemble des mouvements indépendantistes à l’adresse du peuple français.

Nouméa, le 23 novembre 2021

Chères Françaises, chers Français,

Vendredi 12 novembre 2021, le Haut-Commissaire de la République a annoncé la décision du gouvernement français de maintenir la date du 12 décembre 2021 pour la troisième et ultime consultation référendaire de l’accord de Nouméa sur l’avenir de la Nouvelle-Calédonie.

Cette décision a été prise par le gouvernement en toute conscience des implications et des conséquences délétères qu’une telle décision ne manquera pas d’avoir.

Cette décision a été prise par le gouvernement alors même que les représentants politiques et coutumiers du peuple kanak avaient explicitement demandé son report pour cause de deuil.

Dire que nous sommes surpris serait mentir. Nous nous y attendions. Mais comme toujours nous espérions. Nous espérions que le gouvernement français malgré 168 ans de colonisation saurait pour une fois faire preuve d’humanité, de compassion, d’intelligence, de respect, de bon sens. Nous espérions que le gouvernement français agirait dans l’esprit de consensus de l’Accord de Nouméa, dans l’esprit de son préambule. Nous espérions… et nous avions tort.

Des questions viennent à l’esprit, auxquelles il va nous falloir absolument répondre dans les prochaines semaines, mais sans nous tromper cette fois, sans nous faire d’illusions sur l’humanité de l’État français et de son gouvernement. Des questions à nous-mêmes, au gouvernement français, au peuple de France et à ses élus. Des questions aussi à tous ceux qui vivent dans ce pays, disent l’aimer et vouloir le construire.

Le gouvernement français se berce d’illusions

Jusqu’à quand le gouvernement français entend-il abuser de la patience du peuple kanak, peuple premier de ce pays, peuple victime de la colonisation française depuis plus d’un siècle et demi ?

Jusqu’à quand la France pense-t-elle pouvoir bâtir un avenir institutionnel durable pour la Nouvelle-Calédonie en s’asseyant sciemment sur la culture du peuple kanak ? En feignant ostensiblement d’ignorer la place qui y occupent les cérémonies du deuil et le respect qu’on y doit aux morts ? En piétinant les sentiments, la sensibilité, la dignité humaine de tout un peuple ?

Le gouvernement français pense-t-il sérieusement que le scrutin qu’il entend maintenir le 12 décembre mettra fin à la revendication du peuple kanak, lui ôtera toute légitimité et lui permettra de poursuivre – un siècle encore, un siècle de plus, un siècle de trop – son travail d’assujettissement et de domination ?

Jusqu’à quand le gouvernement français continuera-t-il à se bercer et à bercer ses ressortissants d’illusions ? A faire croire qu’une consultation référendaire d’où le peuple kanak sera absent pourra ramener dans le pays toute la sérénité nécessaire à la reprise et au développement d’une économie durement éprouvée par la crise sanitaire ? A laisser penser qu’une consultation référendaire sans la participation du peuple colonisé aura valeur de solution et réglera, une fois pour toutes, la question de l’indépendance du pays ?

En maintenant la tenue de la consultation référendaire le 12 décembre prochain, le gouvernement français pense-t-il réellement convaincre l’Australie et la Nouvelle-Zélande qu’il est toujours un acteur fiable de la stabilité régionale et un maillon incontournable de l’axe Indo-Pacifique ? Et jusqu’à quand le gouvernement français pense-t-il pouvoir persuader les petits Pays du Pacifique qu’il est un allié crédible et respectueux de leur identité et de leur souveraineté ? Et ce gouvernement français pense-t-il vraiment abuser les Nations Unies sur la réalité de la situation politique en Nouvelle-Calédonie ? Ou encore convaincre les Nations Unies qu’il a pleinement rempli ses obligations internationales en matière de décolonisation ?

Qui peut croire possible de construire un avenir de concorde, de paix et de prospérité dans ce pays en n’entendant rien de ce que dit le peuple qui en est la racine depuis au moins 3000 ans ? Qui peut seulement croire possible de construire un avenir, quel qu’il soit, dans ce pays en oubliant l’esprit qui a présidé depuis plus de 30 années maintenant au dialogue des communautés qui y vivent ? Qui peut préférer le chant des sirènes gouvernementales françaises plutôt que de continuer à bâtir l’avenir du pays avec les Kanak ?

Ce gouvernement français croit-il sincèrement pouvoir ranimer les ombres de la colonisation et les faire passer pour des lumières ?

On ne peut pas faire sans les Kanak

La prochaine consultation référendaire n’a aucune chance de clore la séquence politique ouverte par l’Accord de Nouméa. Cette séquence est bien plus ancienne. Plus ancienne que la signature de l’Accord de Nouméa le 5 mai 1998. Plus ancienne même que la double signature à Paris des Accords de Matignon-Oudinot en 1988. Cette séquence s’est ouverte en juillet 1983 avec la table ronde de Nainville-les-Roches présidée par M. Georges Lemoine. C’est en effet, au cours de cette réunion qu’ont été posés les deux grands principes fondateurs du contrat moral et politique sur lesquels, nous tous qui résidons en Kanaky-Nouvelle-Calédonie, vivons encore aujourd’hui.

Ces deux grands principes doivent être constamment rappelés.

Le premier est la reconnaissance par l’Etat français d’un « droit inné et actif à l’indépendance » pour le peuple kanak, le peuple colonisé de ce pays. C’était la première fois que l’État français nous reconnaissait ce droit, alors même qu’il nous était reconnu officiellement depuis plus longtemps au plan international, depuis la Déclaration sur l’octroi de l’indépendance aux pays et aux peuples coloniaux des Nations Unies en 1960. Vingt-trois ans après cette déclaration onusienne signée à l’époque – rappelons-le – par l’Etat français, celui-ci daignait enfin nous reconnaître ce « droit inné et actif à l’indépendance » et ce n’était pas rien.

Le second grand principe était l’acceptation par le peuple kanak d’associer au futur processus de décolonisation et d’émancipation les membres des différentes communautés venues s’implanter dans le pays avec la colonisation. L’expression employée à l’époque étaient les « victimes de l’histoire ». Une expression pour dire que tous ceux qui s’étaient installés dans le pays depuis la prise de possession de 1853 n’étaient pas forcément arrivés de leur plein gré, avec l’intention de nuire au peuple kanak, que beaucoup parmi eux avaient connu la misère et la souffrance.

Ces deux grands principes issus de Nainville-les-Roches sont liés. L’acceptation d’associer les autres communautés calédoniennes au devenir du pays n’était possible, n’était pensable et ne fut acceptée par les Kanak que parce que leur était au préalable reconnu leur « droit inné et actif à l’indépendance ». C’est à partir de ce lien qu’il faut lire ensuite toute l’évolution institutionnelle de notre pays jusqu’à l’Accord de Nouméa ainsi que l’engagement qui a été le nôtre jusqu’à aujourd’hui en faveur de cette évolution.

Nous ne sommes ni naïfs, ni amnésiques

Nous ne sommes ni naïfs, ni amnésiques. Nous savons qu’en France les vieux démons ont la vie dure et que nos vieux ont dû se battre pour que cette évolution devienne possible.

  • Se battre en 1984 pour que les principes de Nainville-les-Roches trouvent en 1985 leur première formalisation institutionnelle concrète avec les Régions Fabius-Pisani. Se battre pour obtenir en 1986 la réinscription à l’ONU de la Nouvelle Calédonie sur la liste des pays à décoloniser.
  • Se battre pour refuser de participer au référendum Pons de 1987, qui avait pour seul et unique objectif de noyer la revendication kanak dans un vote aussi massif qu’insignifiant de tous ceux qui, parce qu’ils étaient venus avec la colonisation, avaient l’arrogante prétention de se croire le peuple de notre pays tout en incarnant la légitimité de la France. On sait quel en fût le résultat. Plus de 97,8 % pour le maintien de la Nouvelle Calédonie dans la France, et une abstention du peuple kanak qui lui ôta toute crédibilité, tant au plan national qu’international. Le gouvernement français entend-il sérieusement renouveler l’opération, avec le secret espoir cette fois, de ne pas avoir à en payer les frais ?
  • Se battre encore en 1988 pour que Michel Rocard mette fin au travail de destruction sociale et politique mené par Bernard Pons et Jacques Chirac, et qu’au travers des Accords de Matignon-Oudinot puisse reprendre le processus tragiquement interrompu de décolonisation, d’émancipation et de construction de notre pays.
  • Se battre toujours en 1996 et jusqu’en 1998 pour que l’Etat accepte de signer le « protocole de Bercy » entérinant l’échange des massifs miniers entre la SLN et la SMSP. Protocole donnant aux Kanak les moyens de prendre leur part dans le développement de l’économie minière du pays. Protocole permettant de reprendre les négociations politiques qui ont mené à l’Accord de Nouméa.

Nous ne sommes ni naïfs, ni amnésiques et, depuis à plusieurs années déjà nous avons compris que les vieux démons coloniaux ne sont pas morts et continuent de hanter la conscience des dirigeants français actuels comme ils le faisaient hier chez leurs prédécesseurs. Si nous avions seulement eu un doute, la pitoyable conclusion de la récente crise industrielle et minière de Goro aurait suffi à nous l’enlever. Tout comme le fameux document sur les conséquences du « Oui » et du « Non » qui dissimulait très mal ses arrière-pensées. C’est une vieille ritournelle qu’on entendait nous chanter. Alors que la France a pour obligation au plan international de discuter avec les Kanak et les autres citoyens de ce pays de tous les options imaginables permettant de faire progresser la décolonisation, alors qu’une majorité de la population calédonienne, y compris kanak, souhaitent pouvoir conserver des relations privilégiées avec la France, alors qu’approchait enfin le moment de concrétiser la promesse d’émancipation explicitement contenues dans l’Accord de Nouméa, voilà que le gouvernement établissait un document uniquement à charge sur les conséquences du vote du Oui ou du Non. Ce document laissait le seul choix entre une indépendance solitaire ou un statut renouvelé dans la France sans explorer les interdépendances. Ce document n’avait d’autre but que de dissuader de faire le choix de l’indépendance et d’instaurer une possible relance de la colonisation de la Nouvelle-Calédonie. Oui, une vieille ritournelle. L’indépendance avec la misère et l’incertitude politique. Ou la France avec la prospérité et un renoncement à voir réparer enfin l’injustice dont les Kanak ont été victimes en 1853. Pas de salut hors de la France. Pas de troisième voie.

Nous ne sommes ni naïfs, ni amnésiques. Le Président Macron maudissait à Tahiti ceux qui ont l’impardonnable tort d’être petits, comme si les grands ne devaient rien aux petits, surtout après les avoir si longtemps colonisés. Le Président Macron critiquait le Vanuatu pour ses relations avec la Chine, mais oubliait que la France avait peut-être un rôle à jouer pour les éviter, et ce d’autant plus qu’elle prétend aujourd’hui œuvrer à la création d’un axe de défense Indopacifique. Le Président français ne semble pas être capable de penser que, si la France l’avait voulu, elle aurait pu être aujourd’hui au Vanuatu à la place de la Chine, avec une véritable ambassade et de solides accords de partenariat.

Personne ne peut nier au peuple kanak son droit à l’indépendance

Le Président Macron qui affirmait en Algérie que la colonisation est un crime contre l’Humanité, déclarait à Nouméa que la France serait moins belle sans la Nouvelle-Calédonie. Avec nous ou contre nous, jamais égaux, jamais partenaires. La dépendance, pas les interdépendances. L’État français et ses vieux démons coloniaux !

Un président et un gouvernement qui n’entendent rien, ne veulent rien entendre des conseils pourtant avisés que lui donnent certains de ceux qui avant lui ont eu en charge d’accompagner l’évolution de notre pays. Mépris pour Michel Levallois, pour Christian Blanc, pour Jean-François Merle, malgré tout ce qu’ils ont pu et su faire pour qu’hier ce pays ne sombre pas dans l’affrontement et la déraison.

Peu importe ce que pensent ou ressentent les Kanak face à l’ampleur de la pandémie et au deuil qui les frappent durement, ces ignorants s’érigent en seuls décideurs de la date de la troisième consultation référendaire. Peu importe la parole donnée et la décolonisation promise en 1983, en 1988 et 1998, peu importe les véritables conséquences humaines du « Oui » et du « Non ».

Encouragés par l’État français, ils sont encore nombreux ceux qui s’apprêtent à s’autoriser de la légitimité que leur reconnaissent les Kanak pour nier l’exercice du droit kanak à l’indépendance. Mais combien de temps ceux-là pourront-ils faire accepter aux yeux du reste du monde qu’en Nouvelle-Calédonie la démocratie conférerait aux « victimes de l’histoire » le droit exceptionnel et dérogatoire de priver le peuple premier occupant, le peuple colonisé de son droit le plus élémentaire à recouvrer sa liberté et sa souveraineté ?

À ceux-là, vous disons clairement cette fois, faites attention à ce qu’en niant une fois encore, une fois de plus, une fois de trop le droit du peuple kanak à l’indépendance, vous ne preniez pas le risque que ce peuple se lasse de discuter et de négocier avec vous.

Au Président Macron et à son gouvernement, nous ne souhaitons pas rompre les relations avec la France, nous souhaitons seulement les changer. Mais s’il nous faut absolument choisir entre la liberté et ces relations, nous choisirons la liberté.

Peuple de France, nous souhaitons par la présente lettre ouverte vous interpeller sur la situation en Kanaky-Nouvelle-Calédonie afin que le plus grand nombre d’entre vous puisse être informé de la situation dans laquelle le peuple Kanak est enfermé. Le gouvernement Macron manifeste une volonté déterminée de ne plus assumer la décolonisation de notre pays en maintenant une consultation référendaire partiale qui sera politiquement et historiquement contestée par le peuple Kanak. La France n’a réussi aucune décolonisation. Elle pourrait sans y prendre garde clore une séquence originale ouverte en juillet 1983 avec la table de Nainville-les-Roches par laquelle les Kanak et les autres se sont engagés ensemble dans la construction du peuple calédonien uni par sa citoyenneté dans un destin commun.

Front de Libération National Kanak et Socialiste (FLNKS)
Le Comité Stratégique indépendantiste de non-participation (CSINP)
Le groupe UC-FLNKS et Nationalistes
Le groupe Union Nationale pour l’indépendance (UNI)
Le Parti travailliste (PT)
La Dynamique Unitaire Sud (DUS)
La Dynamique Autochtone (DA)
Les Nationalistes
Sénat coutumier
Union Syndicale des Travailleurs Kanak Exploités (USTKE)

 

Toutes les organisations indépendantistes en Kanaky (FLNKS, UC, Palika, UNI, Parti Travailliste, USTKE… ) demandent le report du 3e référendum prévu unilatéralement par le pouvoir français le 12 décembre prochain (au lieu de 2022) et appellent à la non-participation si celui était maintenu. Source : ici

Vu la crise sanitaire en Kanaky, le confinement qui empêche une véritable campagne dans les tribus, les quartiers, les squats, il est impensable d’envisager un référendum dans ces conditions.

La période de deuil difficile à laquelle doit faire face le peuple kanak, les décès quotidiens et le taux d’incidence très élevé à moins de 50 jours de la consultation plaident pour un report.

L’État, par la tournée du ministre Lecornu sur le territoire ou l’intervention du Premier ministre à l’assemblée nationale “Nous avons réaffirmé notre souhait fort que le choix des Calédoniens soit celui de la France”, au mépris de la soi-disant neutralité, rend cette campagne référendaire totalement inéquitable et faussée.

Les enjeux du référendum sont bien trop importants pour brader ce dernier rendez-vous crucial pour l’avenir du peuple kanak.

La plus grande organisation nationlaiste le FLNKS explique :


Le Bureau Politique du FLNKS réuni en visioconférence le mardi 19 octobre 2021 a entendu les rapports et les analyses de ses composantes à la suite de leurs entretiens avec le ministre de l’Outre-mer, M. Sébastien LECORNU.
Le Bureau Politique du FLNKS a également pris acte des interventions médiatiques du ministre, argumentant la décision de l’Etat de maintenir coute que coute la tenue de la 3e et ultime consultation référendaire au 12 décembre 2021.
Le Bureau Politique du FLNKS constate que le gouvernement français s’entête à vouloir faire primer la campagne présidentielle dans le seul but de solder l’Accord de Nouméa sous son quinquennat au détriment de la consultation sur l’avenir de la Nouvelle Calédonie.
Le Bureau Politique du FLNKS dénonce cette attitude qui va priver les calédoniens d’une consultation qui devrait se dérouler avec au préalable une campagne électorale équitable, dans des conditions acceptées par tous les groupes politiques habilités.
Le Bureau Politique du FLNKS s’inquiète des lendemains d’une consultation qui, si elle est contestée, n’apportera pas la sérénité nécessaire pour la poursuite de discussions consensuelles sur l’avenir institutionnelle du Pays.
Le Bureau Politique du FLNKS demande à ses groupes politiques représentés au sein des institutions de ne pas donner suite aux demandes visant à participer à une éventuelle consultation qui pourrait se dérouler le 12 décembre 2021.
Le Bureau Politique du FLNKS demande au camp du OUI de s’inscrire dans la démarche de non-participation à la campagne électorale de la consultation dont la date serait maintenue au 12 décembre 2021.
Le Bureau Politique du FLNKS appelle à la non-participation de la consultation dont la date serait maintenue au 12 décembre 2021.
Le Bureau Politique du FLNKS demande que la consultation sur l’accession de la Nouvelle Calédonie à la pleine souveraineté et à l’indépendance soit reportée après les échéances électorales nationales françaises de l’année 2022.

Pour le Bureau Politique du FLNKS
Le secrétaire général de l’Union Progressiste en Mélanésie
Jean CREUGNET

Mais c’est aussi la position du Parti Travailliste Kanak, émanation de la puissante centrale syndicale USTKE.

C’est tous le spectre indépendantiste, anticolonialiste et nationaliste kanak qui retrouve son unité dans l’appel au boycott en cas de non report et qui fait comprendre à l’état français de prendre ses responsabilités.

 

En 2018 toutes les composantes de l’indépendantisme Kanak n’avaient pas appelé à participer au référendum questionnant sur l’indépendance. C’était le cas du syndicat USTKE et du Parti Travailliste Kanak. En 2019 nous avions largement explicité leurs analyse dans ce texte

Cette année ces forces ont rejoint le Mouvement Nationaliste pour la Souveraineté de Kanaky qui a appelé malgré ses réserves à prendre part à la consultation.

En 2018 Mina Kherfi, représentante du PT en métropole de passage à Nantes (en Bretagne) à l’université de la Gauche Indépendantiste Bretonne fin septembre, affirmait que c’est parce que c’est la puissance coloniale française qui délimite le corps électoral, et qui détermine la question posée en imposant le concept de Calédonie à celui de Kanaky que le PT et l’USTKE appelait à la non participation.

La question de la non-inscription d’office de milliers de Kanaks sur les listes électorales — donc privés de droit au scrutin — avait  aussi été un argument pour la non participation.

Ces constats restent pertinents.

Les militants Corses independantistes de gauche de “A Manca” ne s’y trompent pas en rappelant  :

” Quand les accords de Matignon furent signés, la Kanaky comptait 162 000 habitants, dont 53% de kanaks et 33% d’Européens. En 2015, la population s’élevait à 268 767 habitants, dont 39% de kanaks et 27,2% d’Européens. Entre les années 2000 et 2007, les Français de métropole ont représenté 75% du solde migratoire. Leur immense majorité peut aujourd’hui arguer de dix ans de résidence en Kanaky et donc participer légalement au vote. Dans ces conditions, on peut organiser autant de référendum que l’on veut en Kanaky, le peuple kanak a été artificiellement dépossédé d’un véritable droit à l’autodétermination.

Au lendemain du scrutin marqué par une forte participation et une progression nette du ” Oui à l’indépendance” sans aucun doute du à la mobilisation conjointe de tous les secteurs de l’indépendantisme Kanak ( FLNKS et MNSK )  il est interessant de lire pourquoi le Parti Travailliste Kanak composante du MNSK appelait à voter “OUI”.

 

Construisons ensemble un nouvelle nation !

Un OUI massif n’a de sens que s’il est porté par tous, sur la base d’un projet commun, construit autour des fondamentaux du Pays Kanak.

150 ans de colonisation, avec 30 ans d’accords, ont creusé le fossé entre les communautés, marginalisant encore, malgré la croissance, les kanak en particulier.

Ces 30 ans d’accords, ou de gestion, ou de pouvoir local, devaient être les 30 ans de transition. Le nouveau projet de société ne peut refléter les échecs d’une politique bipolariste de suivisme ces 30 dernières années. Que veut-on pour notre Pays ? Il s’agit d’affirmer que « Ce pays, appartenant

historiquement au peuple Kanak, est devenu vôtre aussi depuis Nainvilles-les-Roches impliquant la vocation à être Kanak au sein d’une seule et même nation ». Faisons le pari d’un OUI massif Nationaliste pour un nouveau modèle de gouvernance de notre Pays.

Il faut clore la période coloniale par un OUI nationaliste

Un kanak interculturel, un kanak inclusif, intégrant tous les citoyens de ce pays quelques soient leurs origines, mais désormais acteurs de notre avenir au sein de la nouvelle nation kanak. Être kanak aujourd’hui, c’est être aussi Calédonien et être un homme libre.

D’où le nom proposé pour notre Pays – – afin de tourner la page de l’ère coloniale, tout en intégrant les Calédoniens qui se reconnaissent dans cette désignation historique et fondamentale.

Construisons ensemble notre nation

L’échec des 30 ans d’accords, accentuant le phénomène de bipolarisation politique et l’échec du vivre ensemble, c’est d’abord la résultante d’une politique locale, minée par la conquête du pouvoir au lieu d’une véritable phase de transition politique vers la pleine souveraineté, tout en se laissant bercer par un modèle occidental obsolète, faisant de notre Pays, un nouvel eldorado de l’axe indopacifique au détriment de nos populations légitimes. Il est temps de mettre fin au bipolarisme, source de ségrégations, de divisions, et de conflits stériles qui, depuis 30 ans, nous ramène à une radicalisation inutile et menace constamment notre avenir et celui de nos enfants.

Un OUI pour un autre modèle politique et institutionnel

Le PT au sein du MNSK propose un projet de constitution, où le Peuple Kanak accueille en son sein toutes les cultures du Pays, constituant avec elles, le . Les principes fondamentaux des droits de l’homme et du citoyen seront respectés et la question de la terre, élément fondamental de nos revendications et encore aujourd’hui source de problèmes que l’héritage colonial ne peut régler, sera traité en ce sens.

Cette constitution du Pays kanak garantit, entre autres, le droit et le devoir de chacun quelle que soit leur origine, sa langue, son sexe, ou son appartenance religieuse.

Un oui pour un autre modèle économique basé sur la maitrise de nos ressources, du respect de nos identités et de notre environnement.

Ce nationalisme économique promeut la montée en valeur de nos ressources pour une orientation systématique des politiques publiques vers la formation et l’insertion encadrée de nos jeunes pour une valorisation optimisée de nos ressources dans le respect de nos espaces de vie.

La création d’un fond souverain, et d’une fiscalité adaptée, renforcera notre autonomie financière, et permettra de stabiliser notre monnaie, tout en maintenant un niveau de vie adéquat à nos concitoyens. La maîtrise de nos ressources est une nécessité afin d’assurer des services publics de qualité. Le Parti Travailliste au sein du MNSK proposera la gratuité des soins et de l’éducation, avec un service renforcé à nos personnes âgées.

On y sera à la table des négociations.

Au lendemain du OUI (ou du NON), le PT au sein du MNSK, en tant que mouvement de libération nationale ouvert à tous les nationalistes, sera à la table des négociations. Nous ne portons pas un OUI pour une indépendance-Association, une forme d’une nouvelle colonisation masquée où perdurera àdvitae æternam le bipolarisme politique, mais bien pour une véritable nation libérée qui aura la charge de nouer avec les autres nations du monde des relations d’interdépendances.

Le OUI Nationaliste, c’est un OUI MASSIF pour le droit de construire une NATION qui nous ressemble,nous rassemble et nous respecte.

Face à la réticence des Martiniquais à participer aux élections européennes, le pouvoir français et ses relais locaux mettent tout en œuvre pour faire croire que l’intégration de notre pays à l’union européenne constitue une chance. Ils font tous miroiter les subventions de l’Europe sensées nous porter la prospérité. Tous font languir sur l’accès au grand marché européen qui permettrait l’écoulement de nos maigres productions. Il n’y a là rien de bien nouveau.  En réalité l’intégration de notre pays a commencé depuis longtemps et est menée quotidiennement. Les effets négatifs de cette intégration combinée avec ceux de notre situation de colonie de la France soulignent avec force notre état de dépendance avec ses terribles conséquences : Une agriculture coloniale caractérisée par une quasi monoculture bien profitable au lobby béké de la banane, un mépris total de notre biodiversité, un secteur industriel rachitique, une économie anesthésiée, une dépendance alimentaire renforcée, une importante croissance de l’importation avec le déversement massif de produits européens dans les grandes surfaces qui pullulent avec comme conséquence la disparition de toute production martiniquaise, de nos artisans, de nos cultivateurs, de nos marins pécheurs…

Force est de constater que la politique du président Macron s’inscrit avec virulence dans la continuité de celle de tous ses prédécesseurs, elle sert les nantis et elle aggrave la situation des plus malheureux. C’est bien cette économie coloniale qui est à l’origine du chômage endémique générant plus de 50 000 chômeurs, d’une émigration massive de notre jeunesse facteur du vieillissement inquiétant de notre population. Cette intégration à marche forcée à l’Europe c’est aussi l’installation soutenue d’européens, l’acquisition pernicieuse de notre terre par des étrangers. C’est aussi le renforcement de l’entreprise d’aliénation de notre peuple invité à se renier et à se fondre dans la culture de l’autre. C’est l’étouffement de notre personnalité, prémisse de la liquidation de notre peuple en tant que tel. C’est aussi cette Europe mortifère pour notre pays qui emboite le pas à la puissance coloniale française, qui nie notre droit à disposer de nous-mêmes, qui nie notre existence, qui légifère, qui réglemente, dans le moindre détail nos vies comme par exemple dans le domaine alimentaire ou de la santé en relevant le taux de pesticides ingérables par nos organismes.  C’est cette Europe prédatrice et impérialiste qui a entrainé d’autres pays dans la mise à sac de la planète en détruisant les écosystèmes au mépris des générations actuelles et futures. C’est bien cette Europe qui ne cesse de fixer des normes par-dessus nos têtes sans même que les «élus  locaux» dépourvus de pouvoir réel de décision aient voix au chapitre.

C’est encore à cette Europe là –pour l’essentiel- que nous devons la cherté actuelle du carburant, du fait de son alignement sur les positions de TRUMP . Dans cette Europe que l’on présente comme un paradis de prospérité et de paix on compte des millions de chômeurs, de travailleurs pauvres, de ménages vivant en dessous du seuil de pauvreté. Dans cette Europe des milliers d’entreprises sont liquidées, sacrifiées sur l’autel du profit capitaliste. Au sein de cette Europe c’est l’accroissement des tensions, c’est la montée du fascisme menaçant, c’est le rejet des immigrés, la multiplication des crimes racistes.  Cette  Europe qui hypocritement parle de pacifisme, fomente les guerres notamment en Afrique et au Moyen Orient et reste l’une des principales pourvoyeuses d’armes à des belligérants qu’elle manipule.  C’est encore cette Europe qui soutient sans réserve l’état fasciste d’Israël massacrant le peuple Palestinien. C’est elle qui en ce moment, avec le gouvernement des États-Unis, harcèle le Venezuela, lui impose un blocus et appelle à un coup d’état contre un gouvernement légitime et démocratiquement élu. N’en déplaise aux quelques politiciens « locaux » qui, parce qu’ils trompent consciemment le peuple pour  satisfaire leurs ambitions électoralistes ou parce qu’ils vivent dans l’illusion,  figurent sur les listes des candidats français à la députation européenne, nous ne voulons pas de cette Europe destructrice et mortifère. Nous appelons les Martiniquaises et Martiniquais à boycotter massivement le scrutin du 25 mai prochain et à transformer une abstention record en résistance résolue contre le pouvoir colonial français, contre l’intégration forcée et mortelle de notre pays à la France et à l’Europe.

PA BA MOUN BATON POU BAT NOU ! PA VOTÉ  SANMDI 25 MÉ 2019 !

Conseil National des Comités Populaires (CNCP), Mouvement des Démocrates et Ecologistes pour une Martinique Souveraine (MODEMAS), Mouvement Pour la Résistance et l’Offensive Martiniquaise (MPREOM), Pati Kominis pou Lendépandans ek Sosyalizm.

Le Non à l’indépendance de la “Nouvelle-Calédonie” l’a donc emporté avec 56,7% des voix (78.734 votes) contre 43,3% (60.199 votes) pour le Oui. Notre camarade Gael Roblin réagit à titre personnel au résultat.

Ainsi donc il y aurait eu un référendum d’autodétermination en Kanaky il y a quelques jours. C’est ce que l’on peut entendre dire ou lire ici et là, surtout en métropole j’imagine. Pendant deux mois, pas un mot sur le scrutin dans les grands médias français et depuis quelques jours de nombreux éditorialistes ont fait campagne pour le “Non” à l’indépendance qui avait toutes les chances de l’emporter.

En Bretagne, nous avons eu droit au matraquage de nos quotidiens qui ont apporté leur soutien à la France impériale. Ouest-France a ainsi donné la parole en une au point de vue du député LR de la Manche Philippe Gosselin, membre de la mission sur la Nouvelle-Calédonie célébrant le “génie institutionnel” (sic) de la France et faisant comprendre que cette dernière comptait bien garder son contrôle sur cette partie de ses colonies quoi qu’il advienne. Il y appelait à des relations néo-coloniales si l’indépendance était votée le 04 novembre malgré une majorité écrasante de colons. Rappelons que Ouest-France est le premier quotidien régional en terme de lectorat.

La très partiale Christine Clerc plumitive dans la presse réactionnaire (Figaro etc…) a eu droit à une tribune ultra colonialiste puant l’Algérie Française dans le Télégramme, dans lequel elle se réjouissait de la progression de la politique d’assimilation en Kanaky, vantant le bonheur d’être français pour progresser socialement et prédisant des violences urbaines imputables à de jeunes Kanaks en cas de victoire du “Non”.

La suffisance impérialiste, la franchise du très sale soutien de Christine Clerc et Philippe Gosselin qui défendent les intérêts de leur classe de parasites, à l’apartheid et au colonialisme français n’a rien d’étonnant. Mais la dépolitisation ambiante a aussi amené des forces “autonomistes” ou “régionalistes” à voir dans le scrutin du 04 novembre un référendum d’autodétermination, en témoigne cet étrange communiqué de la Fédération Régions et Peuples Solidaires qui fédère les forces bretonnes, basques, corses, occitanes et alsaciennes se réclamant de l’autonomisme et du régionalisme… Ce communiqué signé Roccu GAROBY affirme “il appartient désormais aux  Néocalédoniens eux-mêmes et à personne d’autre, de choisir entre deux projets de société” et est intitulé “Référendum en Nouvelle-Calédonie, un vote d’autodétermination enfin !”. Par trois fois c’est le terme “Néo-Caledonien” qui est utilisé — et il n’est pas neutre — et son utilisation prouve bien qu’il ne s’agissait pas d’un référendum d’autodétermination le 04 novembre, mais plutôt d’un référendum de “co-détermination”.

Car la question posée était : « Voulez-vous que la Nouvelle-Calédonie accède à la pleine souveraineté et devienne indépendante ? ». “Nouvelle-Calédonie” et pas “Kanaky” et c’est là que le bât blesse.

Raphael Constant, militant anticolonialiste Martiniquais et avocat, a signé une brillante tribune sur le portail  “Montray Kreol” intitulé : “la supercherie de la consultation du 04 novembre” où il affirme “l’accord en lui-même reconnait le droit aux colons de s’exprimer sur l’avenir de la colonie, ce qui est exactement le contraire du droit à l’autodétermination. En fait, les Caldoches, installés par la violence, voient leur présence et domination entérinées par ceux qu’ils ont exploités et pillés pendant plus d’un siècle.”

La souveraineté de la Nouvelle-Calédonie n’est pas le droit à l’indépendance de Kanaky !

Bien sûr, beaucoup de forces historiques de l’indépendantisme Kanak membre du FLNKS ont appellé à voté “OUI” au scrutin et visiblement ils ont été entendus par de très nombreux jeunes, la victoire du NON étant moins écrasante que prévue. De ce point de vue le score du “OUI” témoigne d’une persistance remarquable de la conscience nationale Kanak malgré la violence de la terreur coloniale qui règne sur Kanaky depuis 1860. Mais les indépendantistes de l’USTKE (Union Syndicale des Travailleurs Kanaks et Exploités) et du Parti Travailliste de Kanaky qui avaient appelé à la non participation n’ont pas moins fait preuve d’une telle conscience particulièrement aiguisée.

Mina Kherfi, représentante du PT en métropole de passage à Nantes (en Bretagne) à l’université de la Gauche Indépendantiste Bretonne fin septembre, affirmait que c’est parce que c’est la puissance coloniale française qui délimite le corps électoral, et qui détermine la question posée en imposant le concept de Calédonie à celui de Kanaky que le PT et l’USTKE appelait à la non participation.

La question de la non-inscription d’office de milliers de Kanaks sur les listes électorales — donc privés de droit au scrutin — a aussi été un argument pour la non participation.

Rock Haocas, membre du Parti travailliste et secrétaire confédéral en charge de la communication et des relations extérieures de l’USTKE ne disait pas autre chose sur le site du NPA quelques semaines après, en insistant sur les conditions de vie désastreuses des Kanaks du point de vue social et le caractère “insincère” des listes d’inscrits.

Et, visiblement, là où ces forces sont implantées comme à Ouvéa, le taux de participation s’en est ressenti.

Si le peuple Kanak est devenu minoritaire sur son territoire c’est dû au colonialisme. Dans les zones, les communes où il est majoritaire le “OUI” à l’indépendance est majoritaire.

C’est tellement évident que Phillipe Gomes, leader d’un parti anti-indépendance Calédonie Ensemble, déclare que l’hypothèse d’un vote favorable à l’indépendance est « strictement impossible. Tous les scrutins ces 20 dernières années donnent les listes non-indépendantistes majoritaires avec près de 60 % des voix et les listes indépendantistes avec 40 % des voix. Sur les 169 000 électeurs, on a 92 000 électeurs non-kanak et 77 000 électeurs kanak. Le rapport de force est défavorable à ceux qui portent la revendication de l’indépendance

L’indépendantiste Martiniquais Raphael Constant résume les faits ainsi : “Le seul exercice du droit des peuples consisterait à ne consulter que le peuple dominé qui a été spolié, le peuple kanak“, pas les colons composante du “peuple calédonien”.

Certains leaders indépendantistes Catalans dénonçant avec raison la violence espagnole contre la tenue de leur référendum auto-organisé de 2017 ont même parait-il loué les conditions dans lesquelles se déroulaient la consultation en Kanaky. Mais sans doute ne savent-ils pas que ce vote s’est déroulé suite aux accords de Nouméa de 1988, mis en place comme le rappelle toujours Raphael Constant : “suite au massacre de Hienghène en 1984 où 10 Kanaks (dont deux frères du Président Tjibaou) sont tués par des Caldoches. Les assassins seront acquittés par la justice française. Souvenons-nous de l’assassinat d’Eloi Machoro, le chef militaire de la branche militaire du FNLKS, par le GIGN en janvier 1985. Assassinat resté impuni. Souvenons-nous du massacre de la grotte d’Ouvéa où les militaires français ont achevé 19 Kanaks en toute impunité. “

Ce vote est le résultant d’un compromis de co-détermination entre une partie des nationalistes Kanaks, défaits militairement et acceptant à partir de 1988 par les accords de Nouméa de participer à la gestion d’une des trois provinces, et le congrès qui compose ce que le pouvoir français présente comme la Nouvelle-Calédonie. Même wikipédia nous l’explique avec beaucoup de clarté, parler de Peuple Caledonien c’est parler  de “La citoyenneté néocalédonienne ou citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie  qui est une qualité juridique particulière au sein de la Nationalité Française“. On est bien loin du concept de droit à l’autodétermination.

Il n’est pas inexact de parler de codétermination car les accords de Matignon en 1988 — qui ont aboutit au référendum de 2018 — ont été validés par “le peuple français” par le référendum de novembre 1988 (oui un vote en métropole sur la Kanaky !). À la question : « Approuvez-vous le projet de loi soumis au peuple français par le Président de la République et portant dispositions statutaires et préparatoires à l’autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 ? », 80 % des suffrages exprimés furent positifs, la participation faible (37 %). Les blancs et nuls ne représentèrent que 12 % des votes.

Il y a donc bien deux agrégats (deux électorats) distincts, aux intérêts antagoniques, l’un dominant, l’autre issu de la colonisation qui ont été consultés.

L’Irlande, un autre cas de co-détermination.

En 2016, avec un autre camarade, j’ai contribué a publier en français un brillant essai politique de Liam O Ruairc intitulé “Paix ou Pacification ? L’irlande du Nord aprés la défaite de l’IRA” et la relecture de cet ouvrage aux lendemains de la “consultation” en Kanaky peut nous éclairer, nous servir à déterminer ce qui relève de l’exercice du droit à l’autodétermination et ce qui n’en relève pas. Il y rappelle tout d’abord que le droit à l’autodétermination est un acte de libération à caractère révolutionnaire, de part ses origines dans le mouvement ouvrier, qu’à ce titre ce concept est lié aux luttes des peuples colonisés pour leur émancipation nationale. Si le droit à l’autodétermination d’un point de vue juridique a été soulevé par la communauté internationale pour le Timor Oriental ou la Palestine, il ne l’a jamais été pour l’Irlande. Car le poids international de la puissance internationale de la monarchie Britannique lui a permis de présenter le conflit nord Irlandais comme un problème essentiellement domestique en l’empêchant de devenir un problème juridique à l’échelle internationale.  C’est très précisément le tour de force que vient de réussir le pouvoir français avec ce concept de citoyenneté calédonienne. Le légitimer, le renforcer en parlant d’autodétermination  néo-calédonienne pour ce vote n’est pas très dé-colonial.

Liam O Ruairc citant Amy Maguire dans la Griffith Law Review en 2013, ajoute “Le droit international reste insuffisamment décolonisé : ce que des études récentes ont souligné au sujet de l’Irlande du Nord ou des aborigènes d’Australie par exemple une lecture “contre hégémonique” de ce que le droit international entend par colonialisme et autodétermination est nécessaire dans ces deux cas, qui montrent qu’au 21e siècle la décolonisation reste un projet inachevé”.

Mina Kherfi, représentante du PT et adhérente USTKE, a expliqué la position de non-participation de ces deux formations pour ce référendum en détaillant des faits sociaux :

  • taux de chômage chez les Kanaks : 26 % contre 7 % chez les non-Kanaks ;
  • 57 % des non-diplômés sont Kanaks : on compte seulement 6 % de diplômés de l’enseignement supérieur chez les Kanaks
  • 85 % des chefs d’entreprise et 75 % des cadres supérieurs sont des métropolitains ; par contre 75 % des ouvriers sont Kanaks.

Une violence sociale forte envoyant des jeunes kanaks en nombre derrière les barreaux (90 % de la population carcérale est d’origine kanak, des faits principalement dus à l’alcool), un taux de suicide inquiétant, l’échec scolaire, le chômage, les jeunes sont écartelés entre les valeurs coutumières et le monde occidental et peinent à trouver leur place dans une société dominée par les Européens et l’argent.

Voila une démonstration simple et chiffrée prouvant bien que la Kanaky est encore et aussi une colonie au 21e siècle.

Mais revenons en à l’Irlande. En 1998, suite aux accords du Vendredi Saint, les Irlandais furent invités en deux fois à voter sur deux questions différentes pour valider ces accords mettant fin à une phase du conflit provoqué par l’occupation de l’Ile (qui perdure). Au nord les électeurs ont voté “Oui” à la question “Approuvez vous l’accord issu des négociations entre les différents partis sur L’Irlande du Nord” et au sud “Approuvez vous la loi de 1998 sur la 19ème modification de la constitution“. Même Gerry Adams, chef du Sinn Fein et artisan de cet accord, s’accorde à dire que ce n’est pas un référendum d’autodétermination. Comment qualifier de tel un processus de vote mené sur la base de la définition des corps électoraux par des oppresseurs et non par les seuls opprimés !

Jonathan Tonge, ex-président de l’association des politologues britanniques, se livre à propos des votes au nord et au sud de l’Irlande à ce constat : “étant donné que la préférence de l’agrégat (de l’électorat Irlandais dans son ensemble) se porte vers l’unité irlandaise il est pour le moins douteux de considérer comme un acte d’autodétermination un référendum qui exclut précisément cette option“.

Pour paraphraser Jonathan Tonge, j’affirme que ce qui fonde l’action nationaliste Kanak c’est le refus du colonialisme français, de l’assimilation et c’est l’affirmation de cette conscience nationale Kanak qui s’est manifesté sous bien des formes, c’est l’affirmation résistante du droit du seul peuple Kanak à la libre disposition de son territoire. Étant donné que la préférence du seul peuple Kanak ayant voté ou n’ayant pas participé au vote du 04 novembre est majoritairement favorable à l’exercice décolonial et contre hégémonique du droit à l’autodétermination et à la libre disposition de son territoire, il est pour le moins douteux de considérer comme un acte d’autodétermination un référendum qui exclut précisément cette option. Le seul sujet politique légitime pour un référendum d’autodétermination c’est le peuple opprimé !

En guise de conclusion provisoire.

Il est difficile d’être un bon allié non paternaliste des Kanaks ou des autres peuples sous domination française hors métropole et de ne pas reproduire de comportement coloniaux de gauche lorsque l’on milite soi même au sein de la métropole impérialiste.

On peut essayer d’être un allié internationaliste en refusant de porter les valises sémantiques de l’impérialisme français, qu’en tant que révolutionnaire de l’hexagone on doit combattre et dénoncer. Cela veut dire qu’il faut expliquer que ce référendum ne correspondait pas à l’exercice du droit à l’autodétermination. C’est aux Kanaks de dire qui doit voter, où et quand on doit voter, et quelle est la question posée.

Nous avons à apprendre des Kanaks et non l’inverse.

Les Bretons, les Basques, les Catalans du Nord, les Corses, les Occitans et tous les autres qui veulent légitimement plus de souveraineté pour leur territoires en métropole (qui ne sont pas des colonies mais des nations sans état) devraient cesser de réfléchir dans le cadre étroit du droit français, de la loi NoTre, du droit d’option et de la réforme territoriale et des autres fariboles régionalistes inventées par ceux qui ont spoliés le peuple Kanak de son droit à décider.

Le droit à l’autodétermination ne se quémande pas il s’exerce.

Vive Kanaky indépendante et socialiste !

Gael Roblin militant communiste révolutionnaire de la Gauche Indépendantiste Bretonne.

 

“Nous,  participants et participantes à la rencontre organisée par le CNCP, le MODEMAS et le PKLS le jeudi 25 octobre 2018 au Centre Culturel du Bourg du Lamentin, affirmons  que le principe du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, principe reconnu par les institutions et législations internationales, ne peut souffrir d’aucune exception ni dérogation  et que son application ne saurait, en aucun cas, être déterminé par les cadres et décisions venant de puissances dominantes dont l’autorité a été imposée aux peuples concernés. En conséquence :

  • Nous dénonçons les conditions dans lesquelles se déroule le référendum organisé par la France en Kanaky. L’offensive de peuplement ininterrompue depuis la circulaire de Pierre Messmer, la participation de ressortissants Français au suffrage, le contrôle des moyens médiatiques et la domination économique coloniale enlèvent toute crédibilité à ce référendum au résultat programmé.
  • Nous dénonçons la répression sauvage du peuple Catalan par le régime monarchique Espagnol. la violence policière contre des populations civiles, l’incarcération de dirigeants élus coupables d’avoir organisé ou participé à un référendum d’autodétermination et de prôner l’instauration d’une République sont une agression contre le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes.
  • Nous dénonçons les manœuvres de déstabilisation et de subversion orchestrées par les puissances occidentales contre le peuple Vénézuélien. En bafouant les choix de ce peuple qui a exprimé sans équivoque son soutien à la Révolution Bolivarienne à travers des élections fiables et transparentes, en organisant le chaos économique et en attisant une subversion violente au Venezuela, les impérialistes piétinent le droit international.
  • Nous dénonçons le maintien de la domination coloniale française en Martinique.  La réalité du colonialisme se manifeste par une administration totalement dirigée par la France, l’absence pour le Peuple Martiniquais de tout pouvoir politique réel, le caractère extraverti de l’économie soumise aux intérêts français et le contrôle des médias et de l’éducation. Ce sont des barrières érigées contre le droit de notre peuple à l’autodétermination.

    Martinique le 25 Octobre 2018

Une bretonne vivant en Kanaky nous a fait parvenir ce témoignage sur la réalité de la répression coloniale lors de la venue de Macron il y a quelques jours dans ce pays. Elle milite au sein du Parti Travailliste Kanaky, une des composantes indépendantistes et elle a fait partie des gardés à vue. 30 ans après le massacre colonialiste à Ouvea la répression coloniale française continue…

Merci à elle et salut aux hommes et femmes de Kanaky en lutte contre la France.

Bretagne-Info.

A Nouméa, le 7 mai 2018

Un vent de censure a soufflé lors de la venue d’Emmanuel Macron, ce vendredi 4 mai 2018, dans le quartier de Pierre Lenquette, à Nouméa, capitale de la Kanaky (colonialement appelé Nouvelle-Calédonie).

Bien loin des quartiers aisés et européanisés du sud de la ville, ce quartier est le reflet de l’apartheid social et colonial où la dure réalité de la vie quotidienne des Kanaks est omniprésente : discrimination à l’emploi, difficulté à se loger, vie chère, emploi local non respecté. Les maires successifs de la droite coloniale ne se sont jamais souciés d’améliorer les infrastructures environnantes des logements sociaux du quartier de Pierre Lenquette, sauf en ce jour de la venue d’Emmanuel Macron pour lequel il vient découvrir la zone pilote de la police de sécurité au quotidien : quartier nettoyé, maison de quartier repeinte, tags effacés, débroussaillage, élagage.

Tous y est pour que la communication de Macron y soit resplendissante.

La colère de la population contre sa venue doit rester dans l’ombre. L’Histoire tachée de sang depuis la prise illégale de possession du pays par la France en 1853 ainsi que le désir d’indépendance à moins de six mois du référendum sont censurées : sacs fouillés, banderoles saisies, snipers aux derniers étages des bâtiments sociaux. La tension est palpable de la part des policiers, du service d’ordre et des RG présents.

Interpellations musclées

Des militants indépendantistes et nationalistes se sont vus dans l’obligation d’ouvrir leurs sacs et ont été saisis de leurs banderoles sur lesquelles où pouvaient y lire : « France, Paye ta dette coloniale ! » ou encore « Ici, c’est Kanaky », « Etat français assassin » ; « France = Voleur, restitution des 83% des terres volées ».

Lors du passage de Macron au commissariat pour le plan de promotion de la police de sécurité, une militante indépendantiste se fait violemment embarquer en sortant sa banderole qui reprends la phrase du président français lors de son discours à Alger : « La colonisation est un crime contre l’humanité ». Trois autres militants indépendantistes sont neutralisés et menottés et placés en garde à vue.

Gardes à vue

Trois d’entre eux sont libérés après 22 heures et la quatrième après 42 heures de garde à vue suite à ses propos envers le président de la République française : « État français assassin… Macron assassin… Kanaky Libre ». Étrangement, au moment de sa comparution devant le procureur après 23 heures de cellule, l’avocate commis d’office n’apparaît plus. La militante sort après 42 heures avec un rappel à la loi pour outrage à l’état français et au président de la République Emmanuel Macron avec aucune suite judiciaire à condition qu’elle ne commette pas une autre infraction dans un délai de 6 ans. La peine serait alors de 6 mois à 1 an de prison ferme.

Emmanuel Macron a donné le ton médiatiquement pendant son séjour dans sa lointaine colonie que le maintien de la France est le meilleur chemin pour le population en continuant d’occulter les revendications de liberté, d’indépendance, de souveraineté du Peuple Autochtone Kanak qui n’ont jamais cessés de résister depuis les débuts de la colonisation.

https://www.youtube.com/watch?time_continue=24&v=J85KQBR3d4k