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UN ASSAUT SANS PRÉCÉDENT SUR LES LIBERTES ACADEMIQUES
 
Mélanie Jouitteau, chercheuse en sciences du langage, CNRS  ( cet article est publié simultanément sur notre site et celui du Peuple Breton, merci infiniment à Melanie Jouitteau
 
La nuit de l’annonce du reconfinement, mercredi 28 octobre, le Sénat a voté, sur proposition de la rapporteure du texte Laure Darcos (LR) la restriction des libertés académiques au “respect des valeurs de la République”.
Lesdites valeurs n’ont pas été listées ni définies dans le texte, et sont laissées à l’interprétation libre des gouvernements successifs.
C’est un recul inouï des conditions de possibilité de la recherche scientifique en France.
 
Cet amendement est catastrophique pour les sciences humaines. Linguistes, historien.ne.s, sociologues, archéologues, ethnologues, ethnopsychiatres, géographes, anthropologues, philosophes, etc., nos objets d’étude peuvent pour la plupart être construits, selon un parti politique ou un autre, comme dérangeant les valeurs de la République. Les répercussions sont immenses. Pour ne prendre qu’un exemple concret qui concerne directement la Bretagne, longtemps dans l’histoire de la République française, l’existence de langues parlées en France qui ne sont pas le français, ou l’idée même que le français a des variétés dialectales, ont été construites comme un danger pour la République, et une attaque intrinsèque de ses valeurs. L’étude de ces langues, ou même toute étude scientifique qui prend en compte leur existence dans les faits, ce qu’impose la rigueur scientifique, est très aisément constructible politiquement comme antagoniste avec les valeurs de la République.
La restriction des libertés académiques, pourtant jusqu’ici garanties constitutionnellement, installe le monde scientifique dans une recherche de prudence politique, et non de faits scientifiques.
 
Il est crucial que le monde de la recherche puisse développer ses recherches indépendamment de valeurs nationales, quelles qu’elles soient. C’est une question de principe de rigueur scientifique, et très pragmatiquement, une question de crédibilité internationale. Voulons-nous qu’il soit plus aisé d’analyser la société française à partir de l’étranger? Voulons-nous saborder la crédibilité de nos scientifiques à l’internationale? A l’heure où la France demande à ses chercheuses et chercheurs d’être compétitifs sur des publications en anglais évaluées par des pairs à l’international, il est grotesque de soumettre le monde scientifique aux interprétations politiques fluctuantes de l’exécutif français, influençables par la moindre tempête médiatique.
 
Le cœur de la politique est la proposition et la discussion de valeurs communes pour faire société.
La politique a besoin, pour ce faire, d’être éclairée par les sciences humaines. Elle ne peut pas l’être si les scientifiques craignent l’exécutif et se censurent pour tenter de lui complaire.
Chaque citoyen, chaque citoyenne, a en tête un gouvernement potentiel dont les “valeurs” proclamées nient des faits historiques, sociaux, humains. Nous sommes en démocratie, ce qui signifie que des partis divers, avec leurs interprétations toutes personnelles des valeurs de la République, peuvent arriver au pouvoir. La recherche ne peut être bornée par l’ensemble des interprétations possibles, fluctuantes par définition, de ce qui constitue les “valeurs de la république”, ou de ce qui constitue son “respect” pour le spectre politique possible en son entier. 
 
Cet amendement est une tentative de contrôle de la recherche par l’exécutif sans commune mesure avec les autres mesures de la loi de programmation de la recherche (LPPR) en passe d’être adoptée par le Parlement, et qui vont toutes dans le même sens. Cette loi de programmation constitue un assaut généralisé contre les conditions d’exercice de la recherche en France. Elle démultiplie les mécanismes de dépendance et d’emprise de l’exécutif dans les établissements d’enseignement supérieur et de recherche. Les protections statutaires et les financements pérennes sont encore amoindris, dans un contexte d’épuisement financier et moral des universités. L’exécutif prétend compenser ces attaques par des primes et des financements orientés, qui assument ainsi de piloter l’orientation des recherches scientifiques. On a vu avec le sous-financement des recherches sur les virus ce que vaut un pilotage de la science par des non-scientifiques.
 
Comme le souligne le collectif RoguESR, “Quoi qu’on pense de ces mesures, il s’agit de changements profonds, touchant aux fondements mêmes de l’Université et de la Recherche française. Adopter de tels changements sans débat public, sans même en informer la communauté académique, et sans prendre aucune des précautions indispensables à leur bonne mise en œuvre représente un danger objectif et indéniable.”
 
 
Pour aller plus loin:
compte rendu
 
pétition adressée au président du Sénat et au président:
 
article de Pascal Maillard sur médiapart:

Dans un article du Lab’ d’Europe 1 on apprend que Marc Le Fur, candidat des républicains et du centre est surnommé « Le Führer » par ses alliés centristes de l’UDI qui pour justifier cet excès verbal évoquent son autoritarisme.

En effet, ils lui reprochent d’avoir tranché seul sur les places attribuées aux centristes de cette formation sur la liste de droite aux régionales.

Voilà qui écorne un peu l’image de celui qui cherche à se faire passer pour un gentil héritier du centre-droit breton loin des excès nationalistes sarkozystes et de l’image déplorable de la très à droite ex-UMP.

Mais d’autres éléments que le qualificatif dont l’ont affublé ses alliés semblent accréditer que Marc Le Fur est plutôt à classer dans la case « droite-extrême » que gentil « démocrate-chrétien ».

Rappelons d’abord avec quel engouement celui ci s’était embarqué dans la campagne de haine homophobe contre le mariage pour tous il y a deux ans, aux cotés des obscurantistes les plus radicaux et de l’extrême-droite. Cela s’était achevé par cette scène hallucinante où Marc Le Fur en avril 2013 gifle un policier au point de lui faire tomber son calot devant l’assemblée nationale à Paris. Ce qui ne lui vaudra qu’un rappel à l’ordre de l’Assemblée (sans procès verbal). On peut légitimement se demander quelle peine aurait été infligée pour le même geste à un jeune excédé par les contrôles au faciès de la police républicaine.

D’autres se rappellent que Marc Le Fur, dans la même période, s’est fait remarquer pour avoir déposé un projet de loi pour la dissolution des collectifs antifascistes. Et ce dans un contexte pour le moins trouble et funeste qui intervenait après l’assassinat à Paris par des fascistes d’un jeune brestois libertaire et antifasciste nommé Clément Méric, ce qui avait abouti à la dissolution de deux groupes de l’extrême-droite la plus radicale. Une initiative sans lendemain mais où on retrouve la signature de Marc Le Fur aux cotés de celles des plus droitiers membre de l’ex-UMP comme Thierry Mariani et Meyer Habib.

Comme le rappelle Gael Roblin dans son lexique politique radical de Bretagne, les collectifs antifas «n’ont aucune existence juridique et leurs militants n’ont jamais assassinés qui que ce soit. En Europe de l’Ouest : ce sont des dizaines de jeunes Clément Méric qui ont perdu la vie dans des affrontements avec l’extrême-droite. ».

D’autres archives pourraient bien écorner l’image modérée que cherche à se donner Marc Le Fur, comme cette vidéo où on le voit se délecter du soutien de la racialiste et suprémaciste blanche Nadine Morano lors d’élections en 2012.

C’est sans doute cet ensemble de faits qui a menée la fachosphère bretonne, Breizh info ou Breiz Atao, et l’islamophobe halluciné Ronan Le Gall (porte-parole du groupuscule Adsav) a faire part de leur préférence pour Marc Le Fur pour le scrutin régional. CQFD.