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Quand un membre important de Produit en Bretagne défiscalise son entreprise en Grande Bretagne… une affaire qui illustre bien l’attitude ambigüe des patrons sur la Bretagne, dont ils parlent avec des tremolos dans la voix, surtout quand elle leur rapporte, mais sans rien dépenser pour l’émanciper.
Situé à Saint-Agathon, dans la périphérie de Guingamp, le cabinet Setti s’est fait une bien curieuse spécialité : celle de créer des sociétés en Grande-Bretagne. Passer la Manche permet quelques avantages. Le gérant échappe aux cotisations du RSI, ce qui peut constituer une jolie économie chaque année. De plus, en cas de contrôle Ursaaf ou fiscal, c’est la société qui est visée, mais pas son ou ses actionnaires. Ces derniers peuvent donc organiser leur insolvabilité.
Setti a ainsi « déménagé » plusieurs centaines d’entreprises, particulièrement en basse Bretagne. Selon un expert-comptable local : « c’est la défiscalisation pour de pauvres gens, qui n’ont pas les moyens ou l’idée de faire appel à un avocat spécialisé. Franchement, même en restant en France, il y a des moyens plus performants que çà. »
La plupart des clients de Setti sont en effet des artisans ou des petits commerçants qui n’emploient pas ou peu de salariés. A une exception notable, deux entreprises, Menthe poivrée et Ad Augusta, dont le principal actionnaire est Jacques Fitamant. Un nom qui n’est pas inconnu.
 
Culture bretonne offshore ?
A la tête de quelques magazines professionnels, notamment dans l’agroalimentaire, Jacques Fitamant est aussi l’éditeur de l’ancienne revue de référence Ar Men qu’il a racheté en 2003. Un beau coup à l’époque pour quelqu’un qui n’a jamais forcément brillé par sa culture. Depuis, il n’a guère cherché à développer le titre dont la chute des ventes s’est brutalement accélérée dans les années 2010. Depuis quelques années, la revue peine à retrouver des lecteurs déroutés par un changement de ligne éditoriale qui privilégie désormais l’esthétique au fond.
C’est sans doute Ar Men qui a permis à Jacques Fitamant d’intégrer Produit en Bretagne. Émanation de la bourgeoisie bretonne, cette association de patrons œuvre officiellement pour la relocalisation de l’emploi en Bretagne et défend des valeurs éthiques. Avec Jacques Fitamant, c’est réussi puisqu’il a choisi le moment où il présidait le collège « Culture et création » pour se défiscaliser… en Grande-Bretagne, où cet employeur condamné aux prudhommes risquait sans doute moins gros…
Alors que depuis des années, on ne cesse de nous en raconter sur les lobbys des patrons bretons, leur puissants réseaux et clubs. Alors que depuis des années, les plus médiatiques d’entre eux multiplient les déclarations fracassantes sur l’indépendance ou la régionalisation, le cas Fitamant illustre en fait le vide politique intersidéral du patronat breton. La Bretagne n’apparaît plus que comme un argument marketing qui permet de se faire plus d’argent qu’on optimise ensuite à l’étranger. A la différence des élites catalanes, écossaises ou basques, pratiquement aucun de ces patrons n’apporte de soutien financier à ce qui aurait pu devenir l’embryon d’un parti de droite ou de centre droit régionaliste ou indépendantiste. Forts en gueule, mais pauvres en actes, mais toujours « exploiteurs en Bretagne ».

 

La marque «Produit en Bretagne» vient de nouveau de perdre en crédibilité en s’offrant une campagne de pub remerciant pêle-mêle, Nicolas Sarkozy, François Hollande, Jean-Luc Melenchon, François Bayrou, l’anecdotique mais très droitier Nicolas Dupont-Aignan … et la candidate de l’extrême droite française Marine Le Pen. Une vraie campagne de soutien en pleine période électorale ! C’est d’ailleurs et notamment pour dénoncer l’absence de leur candidate parmi les préférés des patrons bretons que l’UDB et Europe Ecologie sont montés au créneau.

 

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Au nom de quoi un lobby économique s’est permis ce week-end d’imposer dans les médias breton une campagne de pub, s’apparentant clairement à des consignes de vote ? Ce serait selon eux pour promouvoir la «relocalisation», que produit en Bretagne serait seul à défendre depuis vingt ans : «Chacun aura compris que nous nous réjouissons, avec un certain sourire, de voir la Relocalisation ENFIN entrer au cœur du débat public, de façon très large, quand nous y consacrons tous nos efforts depuis presque vingt ans.» écrivent-ils dans un communiqué de presse.

Pour ceux qui voudraient voir en «Produit en Bretagne», les inventeurs de la «relocalisation» nous les informons qu’un des premiers à avoir analysé ce processus économique en opposition aux délocalisations est l’économiste E. M. Mouhoud à la fin des anées 80 … donc bien avant la création de «Produit en Bretagne». Il définit d’ailleurs la relocalisation comme : «le retour ou le maintien dans leur pays d’origine d’unités productives, d’assemblage ou de montage antérieurement délocalisées sous diverses formes dans les pays à faibles coûts salariaux».

«C’est bien l’Emploi et l’Economie que nous défendons en Bretagne» dit «Produit en Bretagne». En 2008, l’émission Capital de M6 avait épinglé «Produit en Bretagne» pour vendre des produits non produits en Bretagne (!). C’est notamment le cas des Poêlées Celtiques dont l’ensemble des légumes viennent de Chine, et qui plus est, avec de vrais bouts d’OGM ! L’année dernière on a aussi vu l’entreprise Armor Lux, membre influent de Produit en Bretagne s’inquiéter de l’impact de la transition révolutionnaire en Tunisie … en effet la Tunisie représente près de 50% de la production d’Armor Lux, avec des ouvrières payées 250 euro pour 48h de travail hebdomadaire, on sentait alors que la marque bretonne avait peur d’y perdre quelque chose…

Faire de la pub, et donc mentir pour vendre ses produits, jouer sur des valeurs «d’éthique et de solidarité», sans les respecter, tout ça n’est pas très étonnant pour le lobby patronal qu’est «Produit en Bretagne». La participation de «Produit en Bretagne» à la banalisation de l’extrême droite, aura sans doute été la provocation de trop. Mais la marque se défend, comment ignorer près de «20% de part de marché»* (sic), écrivait-elle sur son compte facebook. Pas sûr non plus que toutes les entreprises adhérentes s’y retrouvent. Voire des associations ou entreprises comme, au hasard, les trans-musicales, coop breizh, le festival interceltique ou oceanopolis, tous membres de “Produit en Bretagne”, remercier Marine Le Pen pour son discours sur la “relocalisation”, pas sûr que ça produise le meilleur effet !

Après avoir appelé les consommateurs de Bretagne à devenir les «présidents de la relocalisation des achats», nous attendons que «Produit en Bretagne» devienne «le président» de la relocalisation des productions et des emplois en Bretagne.

* Nous rappelons à «Produit en Bretagne», que la Bretagne n’est pas la France, et que le FN n’y a jamais atteint de tel score; peut être car nous y avons un «esprit d’éthique et de solidarité» différent de celui de cette marque.

La liste des adhérents de Produit en Bretagne