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Guingamp en Commun

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En Bretagne comme ailleurs on a pu lors des dernières municipales observer l’émergence de démarches citoyennes , demandant plus de démocratie à la base.

Nous y avons consacré plusieurs articles et .

En ce début juillet les conseils municipaux devaient désigner leurs représentant.es pour les élections sénatoriales.

Dans les communes de poins de 10 000 habitant.es les conseils doivent délibérer et voter pour désigner les grand.es électeurs, électrices.

Dans au moins trois communes ( Cintré, Chateaulin, Guingamp…) de Bretagne des prises de paroles ont eu lieu pour refuser cette délégation de pouvoir. Nous les reproduisons intégralement ici.

Dans les villes de plus de 10 000 habitant.es tous les conseillers sont d’office « grands électeurs », si il ou elles refusent de voter aux sénatoriales ils/elles peuvent être sanctionné.es par une amende. Dans certaines communes de Bretagne de cette taille une réflexion est en cours pour agir dans ce sens et continuer à objecter au Sénat et défendre un autre modèle démocratique. A l’heure où on parle démocratie participative, référendum et évolution institutionnelle en Bretagne, ces points de vue enrichissent le débat, bien plus que les élu.es qui comme un seul godillot acceptent sans réflexion aucune de participer à cette farce pseudo démocratique que sont les sénatoriales. 

Bretagne Info. 

A Cintré , Christine Georges et Anton Burel élu.es pour « Cintré en Commun » ont lu le texte suivant pour expliquer leur refus de prendre part à ces désignations . Anton Burel est militant de la Gauche Indépendantiste.

« Le premier comme le deuxième tour des élections municipales a montré que le grand vainqueur de ce scrutin est la démocratie participative. Les listes proposant des mesures fortes pour impliquer les citoyens au quotidien dans la vie démocratique ont réalisées des scores jamais vus, c’est le bilan qu’on peut faire au niveau national. Au niveau de notre commune, Cintré en commun et Cintré Bien Vivre ensemble ont travaillées sur cette question se traduisant par un certain nombre d’engagement au pacte de transition, engagements structurants pour l’avenir de la vie démocratique à Cintré. Cette appétence pour plus de participation à la vie politique doit aussi être mis en parallèle avec un chiffre : celui de l’abstention. Bien que peu élevé à Cintré, et nous nous en félicitons, il demeure très important au niveau national : 55% au premier tour, 60% au deuxième tour avec des piques à 75% dans certaines communes, du jamais vu sous la Ve République. En tant qu’élus nous nous devons d’en tirer les conclusions, la pandémie du COVID 19 n’expliquent évidemment pas, la hausse constante de l’abstention aux élections ces dernières années. La première conséquence nous l’avons aujourd’hui lors des élections sénatoriales. Nous sommes appelés à élire des délégués qui eux mêmes voterons pour des candidats au sénat. Un collège dont la représentativité diminue avec l’augmentation de l’abstention, quelle représentativité pour les sénateurs lorsque, à Roubaix par exemple, le conseil municipal élu avec 77% d’abstention élira ses délégués ? Considéré comme l’Assemblée des territoires, les sénateurs brillent pourtant par leur absence dans les débats sur les réformes territoriales. Les conseillers municipaux, conseillers métropolitains, conseillers régionaux et les députés prennent des positions fortes sur l’avenir des collectivités territoriales en Bretagne en se positionnant pour la fusion des cinq conseils départementaux et du conseil régional dans une Assemblée de Bretagne aux compétences élargie.

La dernière session du conseil régionale en a d’ailleurs été un exemple frappant. Depuis 1958, aucune réforme impulsée par le Sénat a permis des avancées sensibles sur les compétences et les limites territoriales des collectivités territoriales en Bretagne.

Je pense enfin, que nous conviendrons qu’un coup d’état militaire dans le cadre d’une guerre opposant le Gouvernement de la République Française et le Gouvernement Provisoire de la République Algérienne n’est pas le cadre serein et dépassionné qui impose à des débats constitutionnelles.

Le besoin d’une participation active de l’ensemble de nos concitoyens à la vie politique de notre pays est, pour nous, contradictoire avec une assemblée qui n’est pas élue au suffrage universelle direct. C’est pour ces raisons que Christine Georges et moi-même nous abstiendrons pour ce vote »

A Châteaulin , Céline Le Huédé, représentante au conseil municipal de « Un Autre Châteaulin est possible” a déclaré :

«  Un autre Chateaulin est possible” dénonce l’éloignement entre les citoyens et les centres décisionnaires. Le système électoral actuel organise cette disparité démocratique puisque 55% des votes, donc 26% des inscrits sur les électorales Chateaulinoises ouvrent droit à 80% des grands électeurs.
Comment mieux expliquer le renoncement des citoyens à participer à la vie de la cité. Quand la règle est inique, quand les élus, acceptent, sans remettre en cause. 
Nous nous sommes engagés à respecter certaines règles du jeu préétablies, pour tenter d’agir localement. Nous ne pouvons aller plus loin dans la dépossession des citoyens de leur capacité à être acteur de leur vie.
Avec ce mode de calcul nous savons déjà que les 206 électeurs Châteaulinois qui ont voté pour qu’un autre Chateaulin soit possible ne seront pas entendus lors des élections sénatoriales. En conséquence, j’ai décidé de ne pas participer aux élections des grands électeurs
»

 

Enfin à Guingamp , Gael Roblin élu pour «Kumun Gwengamp- Guingamp en Commun » et militant de la Gauche Indépendantiste a fait de même et expliqué son geste de la façon suivante :

« Je tiens d’abord à remercier Ph. Le Goff qui m’a proposé de figurer sur la liste des délégués des conseils municipaux et de leurs suppléants en vue de l’élection des sénateurs.

C’est un acte clair en faveur du pluralisme des opinions que je salue comme il se doit.

J’ai toutefois décliné cette offre en mon âme et conscience et je tiens à m’en expliquer.

C’est pour ces mêmes raisons que je ne participerai pas au vote.

Le Sénat est un élément fondamental du cadre dans lequel nous vivons celui de la constitution de 1958. Une constitution rédigée en pleine guerre coloniale, un constitution conséquence des concessions faites par le Générale De Gaulle en coulisse aux milieux d’extrême-droite de l’Algérie française si présent dans l’armée française qui tentent le 13 mai de cette année un coup de force.

Seule ma grand-mère qui est née le 21 octobre 1931 a pu voter lors du référendum de 1958, c’est la seule personne dans ma famille encore en vie, qui a pu prendre part à ce vote.

Le Sénat est aussi obsolète qu’il est peu représentatif de la diversité de la société de l’Hexagone en termes de genres, de moyenne d’âge et de catégorie socio-professionnelle représentées en son sein. C’est une assemblée majoritairement très âgée, blanche et masculine, avec une prédominance de membres issus de la catégories socio-professionnelles supérieures.

La désignation des grands électeurs par le conseil municipal d’aujourd’hui nous rappelle que les sénateurs ne sont pas élus au suffrage universel direct.

Cette anomalie antidémocratique contribue au sentiment d’éloignement vertigineux entre les électeurs et les institutions, n’oublions pas que les exécutifs des intercommunalités sont aussi issus d’une forme de suffrage indirect.

L’abstention des dernières municipales n’est pas la seule conséquence du COVID 19. C’est aussi une conséquence de ce déficit démocratique.

Le désir de démocratie participative, impliquant le plus grand nombre dans les décisions notamment municipales est très perceptible dans la société dans laquelle nous évoluons. En témoigne les performances honorables des listes s’en réclamant aux municipales.

La défense de la démocratie participative à laquelle je crois est incompatible avec la participation aux sénatoriales de quelque manière que ce soit. D’où mon refus d’être grand électeur ou suppléant ou de participer à ce vote.

Le Sénat est prétendument le parlement des territoires et des régions, mais depuis 1958 à aucun moment son action n’a abouti à ce que le peuple breton soit consulté sur les compétences qu’il voudrait lui-même exercer, en matière culturelle, sociale, sanitaire ou environnementale, ou encore de représentation internationale.

Le Sénat est un instrument de plus pour assoir le pouvoir lointain et étouffant de Paris et d’une certaine classe de possédants.

J’observe avec amusement et satisfaction combien la crise du COVID a fait progresser parmi les élus régionaux et départementaux l’idée que nous ferions mieux les choses nous-mêmes. En témoignent les débats en cours ces jours-ci au Conseil Régional.

Ce n’est pas d’un poussiéreux Sénat loin de chez nous dont nous avons besoin mais d’un référendum impliquant l’ensemble des bretons, de Brest à Clisson, pour savoir si oui ou non nous voulons d’un parlement breton doté de larges compétences législatives pour construire un autre modèle social, démocratique et environnemental au service du plus grand nombre et non d’une minorité de nantis, un parlement breton premier pas bien sur vers une république bretonne. »

 

 

C’est le sentiment qu’on peut avoir à quelques jours du second tour des municipales. Comme nous l’expliquions le premier tour avait été le théâtre de certaines performances, modestes certes, mais notables de partisans d’un pouvoir politique breton.

Nous nous étions longuement étendus sur les performances des indépendantistes de gauche identifiés et élus lors de premier tour, à Cintré, Plounevez-Moedeg, Guingamp… Nous aurions aussi pu parler de l’élection de Lionel Henry à la tête de la mairie de Montreuil-Le-Gast, partisan bien connu d’une Bretagne réunifiée et souveraine et ne cachant pas son engagement à gauche, de Jean-Yves Kallag à Lannion qui entame un troisième mandat d’opposition et sur lequel on peut compter pour défendre notamment la langue bretonne.

Au moment où nous écrivons ces lignes nous ne savons pas quel sera le score de « Saint-Herblain en Commun » mais cette liste de Gauche, Écolo, Bretonne de la sixième ville de Bretagne avait tout de même gagné 30 % des suffrages au premier tour !

L’Union Démocratique Bretonne (autonomiste de gauche) et son allié Christian Troadec (réélu à Carhaix) de « Pour La Bretagne » pourront compter eux aussi leurs élus et faire un bilan plutôt positif de cet exercice électoral.

Mais c’est le deuxième tour des bords de Loire à Nantes qui fait ressurgir la Bretagne comme objet civique et politique.

Comme l’indique Le Télégramme dans son article du 7 juin, l’accord entre EELV et le PS et ses autres alliés stipule : « Dans un volet intitulé « Promouvoir la langue et la culture bretonne » (points 287 à 290 de leur « contrat de mandat »), Johanna Rolland et sa troisième colistière Julie Laernoes proposent, entre autres, d’« adopter un vœu demandant l’organisation d’un référendum sur la réunification de la Bretagne » et de continuer en indiquant que l’accord prévoit aussi que la Ville se dote d’« une instance pour engager une concertation avec l’État sur les modalités d’organisation de ce dernier ». Florian Le Teuf (candidat EELV, figure du milieu des supporters du FCN et opposant au Yellow Park) pourrait être chargé des questions bretonnes (dont le référendum) à la mairie de Nantes une fois élu, alors qu’il figure en 4ème position, même si l’UDB (également présente sur la liste de Johanna Roland mais dés le 1er tour) avait aussi introduit l’idée d’un tel « débat citoyen » dans ses accords.

Beaucoup dans la presse et sur les réseaux sociaux s’interrogent sur cette soudaine conversion et sur les limites de cet accord.

 

Mais ne boudons pas notre plaisir de voir la Bretagne, l’unité territoriale de notre pays devenir un objet de débat citoyen, surtout après des décennies de débretonisation !

Quelques soient nos réserves et interrogations, saluons là le fait que ces rapports de forces électoraux aient fait entrer dans les négociations le terme « référendum » et introduit ainsi l’idée que le droit de décider de l’avenir institutionnel de la Bretagne appartient au peuple breton.

C’est aussi le fruit du travail des adhérent·e·s de Bretagne Réunie, qui avaient marqué les esprits en rassemblant 100.000 signatures afin d’obliger (en vain) le Conseil Départemental de Loire-Atlantique à débattre de l’unité de la Bretagne dans le cadre du droit d’option.

Les votations auto-organisées par Dibab entre 2014 et 2015, assez nombreuses en Loire-Atlantique avaient aussi marquées l’histoire politique bretonne contemporaine et fait progresser l’idée d’un référendum sur l’unité de la Bretagne et la dévolution de pouvoirs à une « assemblée de Bretagne ».

Le sondage de septembre 2019, commandité par “DIBAB — Decidez la Bretagne” et le Breizh Civic Lab, mettait bien en exergue ce désir largement partagé des breton·ne·s de Brest à Clisson de s’exprimer sur l’avenir de la Bretagne.

Quelle méthode référendaire ?

La première crainte qui nous semble importante de rappeler, c’est qu’il est très risqué de laisser le gouvernement central déterminer l’objet de la question soumise au référendum et son périmètre. Et si l’on peux être sur que le Conseil Départemental de Loire-Atlantique ne voudra pas ouvrir la boite de pandore, c’est bien sûr vers la Région administrative Bretagne que l’instance chargée par la ville de Nantes désignera pour mener le débat va devoir se tourner.

Le Conseil Régional de Bretagne avait d’ailleurs pré-budgétisé en février 2020 une somme pour organiser un référendum sur l’unité de la Bretagne, sans en dire plus.

Et puis, si la question posée ne porte que sur le retour de la Loire-Atlantique dans la Région Bretagne — sans évoquer des avancées institutionnelles pour l’ensemble de la Bretagne en termes de souveraineté — tout laisse à croire que ce débat ne sera pas motivant.

Le sondage évoqué plus haut le rappelait déjà : ce sont les habitant·e·s du pays nantais qui sont le plus favorables à la prise de compétences d’état par la « Région Bretagne » ou une « Assemblée de Bretagne », et ce à la hauteur de 68 % des sondé·e·s. Et c’est le même chiffre qui ressort dans ce département sur l’opportunité d’organiser un référendum sur les compétences de la « Région Bretagne » !

Limiter le débat à la question de l’unité territoriale c’est jouer pour perdre et contribuera à confiner les échanges autour de l’histoire, de l’identité, du marketing territorial. Alors que l’enjeu doit se focaliser autour de la question démocratique et sociale et environnementale. En effet, quel serait l’intérêt pour les électeurs et électrices, d’une Bretagne réunifiée qui ne serait qu’une seule addition de conseils départementaux, si cela n’a aucun impact positif sur leur conditions de vie quotidienne ?

Quelle sociologie pour l’organisation du débat ?

On peut se réjouir du début de débat mais aussi faire part de ses craintes avec courtoisie quand on voit comment le débat risque fort d’être cantonné au sein des élus métropolitains. Toujours dans le même article du Télégramme on pouvait lire : « Et le sénateur Ronan Dantec de souligner en parallèle la probable nomination à la métropole d’Aziliz Gouez, anthropologue et ex-plume du charismatique président irlandais : “L’idée est de faire du pôle métropolitain Loire Bretagne un outil de dialogue entre territoires. Aziliz va œuvrer pour que Nantes, Brest et Rennes travaillent différemment”. »

Ainsi donc l’organisation du débat préalable au référendum serait élaboré, initié par les élu·e·s des métropoles ? Si on voulait opposer la Bretagne des petites « communautés de communes », celle des modestes intercommunalités à celle des métropoles où se concentrent équipements culturels de prestiges, transports, universités, emplois du tertiaire, etc… on ne s’y prendrait pas autrement…

Il suffit de jeter un coup d’œil à la liste de Nathalie Appéré pour le second tour des municipales à Rennes pour voir que parmi les noms de la liste (EELV/PS/UDB/Radicaux de Gauche/PCF), 42 d’entre eux sur 61 exercent des professions qualifiées de CSP +. La liste de Johanna Rolland à Nantes reflète le même genre de proportion de cadres, de chefs d’entreprises, de dirigeants, de possédants, de riches…

Cela illustre parfaitement le déséquilibre Est-Ouest en Bretagne. On voit bien où sont les lieux de pouvoirs réels.

Soyons sérieux : est-ce ce genre de sociologie habituée à un certain entre-soi des plus confortables qui va renverser la table si le gouvernement ne veut pas d’un référendum dans les termes choisis par les bretons ? Est-ce ce type de sociologie — celles des catégories socio-professionnelles supérieures — qui va incarner et percevoir le profond désir de justice sociale des classes les plus défavorisées, celles exclues des métropoles, celles exclues de la représentation politique ?

Bien sur que non… Car ces classes n’ont pas besoin d’un rééquilibrage réel des lieux de décisions, elles veulent surtout continuer à être l’interlocuteur raisonnable du gouvernement central pour négocier à leur profit quelques transferts de compétences.

16 ans de cogestion de la Région Bretagne par le PS et ses alliés (y compris EELV, l’UDB et tous les régionalistes) n’ont pas permis de faire progresser l’idée du droit de décider.

Ce dont nous avons besoin c’est d’un processus constituant pour que tous les breton·ne·s (et pas seulement les grands élus des métropoles !) puissent donner leur avis.

Une partie de l’alternative se trouvera dans la rue… Mais aussi dans les échéances électorales régionales et départementales de mars prochain. Couvrir la Loire-Atlantique de candidatures unitaires ou non concurrentielles pour les départementales pour affirmer la nécessité du droit à décider, de l’exercice d’autodétermination par voie référendaire, en défendant la démocratie directe, le partage des richesses, des mesures radicales en matière environnementale, est facile à mettre en place…

En « Région Bretagne »… certains autour de l’UDB et de Christian Troadec nous reparlent de « Oui la Bretagne », la coalition autonomiste des régionales de 2015… Mais « Oui, décidons la Bretagne en Commun ! » offrirait plus de perspectives pour imposer la tenue d’un référendum d’autodétermination, avec ou sans l’accord de Paris, dans le cadre du mandat 2020-2026…

C’est un scénario bien plus sûr pour mettre à l’agenda électoral la question du pouvoir politique breton, que la simple addition de forces vouées à fusionner avec le PS en négociant des postes de vice-présidence… Voter, décider, s’autogouverner en quelque sorte…

Sinon, bien sûr, la tentation de faire des listes plus ou moins testimoniales trouvera un peu d’écho pour faire entendre un autre discours.

Il suffit de le vouloir et de construire un accord programmatique pour quadriller le territoire de candidatures unitaire (aux départementales et aux régionales), d’un « Frente Amplio » de gauche, écolo, populaire, antilibéral, breton… dont la tenue du référendum sur la taille et les compétences de la Bretagne sera un point incontournable et non négociable.

Ce message subliminal sera-t-il entendu ?

Bretagne Info.