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Diwan : L’indice de position sociale ne rend pas compte de la richesse économique des parents

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Gildas Grimault, chercheur spécialiste de l’enseignement en langue bretonne fait le point sur les prétendus privilèges sociaux des élèves du réseau Diwan…et certaines légendes en prennent un coup…Merci à lui pour cette contribution.

L’indice de position sociale ne rend pas compte de la richesse économique des parents

 

Lors de l’année scolaire dernière, le réseau Diwan a pris connaissance du nouvel indice de position sociale publié par le Ministère de l’Éducation Nationale. Le classement obtenu par les écoles en immersion de breton a provoqué l’étonnement : le réseau toujours en proie à des difficultés financières apparaissait au côté des écoles les plus huppées de l’académie de Rennes. Cela dissonait avec les propres observations réalisées, par exemple au lycée Diwan de Carhaix où le nombre de boursiers est supérieur à la moyenne de cette même académie.

 

Cette confusion trouve sa source dans l’expression « position sociale », une expression peu usitée et mal définie en sociologie. Dès lors, son emploi dans un cadre médiatique produit des approximations, où nombre d’articles ont confondu la position sociale des parents à leur niveau de richesse. Or, les revenus, et encore moins le capital économique, n’interviennent quasiment pas dans le calcul de l’indice. 

 

 

Un indice trompeur

 

En réalité, cet indice est un indicateur du capital culturel des parents qui permet de savoir si les élèves sont issus d’un milieu social favorable aux apprentissages. Cet indicateur a été créé dans la filiation des travaux du sociologue Pierre Bourdieu dont les études avaient permis de montrer que le capital culturel des parents étaient plus important que le capital économique pour expliquer la réussite scolaire des enfants.

 

Avec cette logique, il a été choisi d’attribuer aux familles d’enseignants le plus fort IPS. A l’évidence, ce n’est pas le niveau de revenu qui leur vaut cette première place – de nombreuses professions et catégories socioprofessionnelles (PCS) ont un niveau moyen de revenu bien plus élevé – mais bien la réussite scolaire des enfants d’enseignants qui est effectivement supérieure à la moyenne des 31 autres PCS présents dans le calcul de l’IPS.

Si l’on s’intéresse à la construction factuelle de l’indice on s’aperçoit qu’il fait fi du capital financier (le nombre de biens immobiliers et d’actifs financiers que possèdent une famille) et que le niveau de revenu n’est pris en compte que dans une des cinq variables qui construisent l’indice. Et encore, comme un élément à côté d’autres comme le nombre de pièces du logement, le partage de chambres entre enfants, la présence d’ordinateurs au domicile… Bref, le poids du revenu est dérisoire dans le calcul de l’indice.

 

Suivant cette logique culturelle, l’IPS offre une meilleure note aux enfants de « professions de l’information, des arts et des spectacles » qu’aux enfants de « chefs d’entreprise de dix salariés ou plus ». Dit en des termes plus concrets, l’enfant d’un·e musicien·ne dont la mère ou le père aurait des difficultés à obtenir l’intermittence obtiendrait un indice IPS supérieur à l’enfant dont le père ou la mère serait à la tête d’une entreprise de 500 salarié·e·s, dont le capital économique est incommensurablement supérieur. Sans aucune donnée précise, de nombreuses indications nous laissent à penser une surreprésentation des parents exerçant dans les métiers des arts et spectacles à Diwan, ainsi que des parents professeurs, deux PCS où la langue bretonne est présente. Dans une moindre mesure, la forte représentation des parents exerçant des responsabilités dans le secteur associatif a pu également gonfler l’indice dans certaines écoles.

Finalement, l’indice nous “apprend” seulement que les parents de Diwan ont un intérêt prononcé pour la matière culturelle, un résultat bien moins surprenant pris sous cet angle et en adéquation avec les valeurs portées par le réseau immersif. Ce constat confirme l’urgence de la mise en place d’une vraie politique publique pour permettre à tous les élèves d’accéder à un enseignement immersif en breton, une revendication qui est au fondement des écoles Diwan déjà à la fin des années 70.

 

 

Au lycée Diwan de Carhaix, plus de boursiers que la moyenne académique

 

L’intérêt des parents de Diwan pour la culture ne présage rien de leur richesse économique, même s’il peut y avoir corrélation parfois. Les informations dont nous disposons au lycée de Carhaix montrent qu’à Diwan il y a bien une dissociation forte entre le capital économique (inférieur à la moyenne académique) et le capital culturel (supérieur à la moyenne académique). En effet, comme nous le notions déjà en 2020, dans un mémoire intitulé Petra a lak al liseidi da vont e brezhoneg er skol dre soubidigezh ?, au lycée Diwan « les familles de cadres supérieurs et d’enseignants sont surreprésentées au regard du reste de l’académie. 41 % des lycéens avaient des parents cadres ou enseignants contre 31 % dans le reste de l’académie en 2016. Toutefois, il y avait une plus grande part de lycéens boursiers que dans le reste de l’académie (20% contre 15%) » En 2022, c’est tout bonnement un quart (26 % exactement) des lycéen·ne·s de Diwan qui étaient boursiers contre 14,7 % au niveau académique, soit près du double.

 

Au final, suite à sa condamnation en 2022, l’Éducation Nationale a été contrainte de rendre public l’indice de position sociale école par école. On peut déplorer que cet IPS soit un indicateur incomplet et qui rend mal compte de la composition sociale des familles à l’école, et qu’il n’existe pas un indicateur complémentaire afin de révéler les inégalités économiques entre écoles.

En effet, les écoles Diwan, contrairement à la majorité des écoles privées, sont gratuites. Leur financement ne repose donc pas sur un prix d’entrée que supporteraient des parents fortunés, mais bien sur la solidarité financière des personnes qui pensent indispensable l’existence d’un réseau d’écoles immersives en langue bretonne. Le danger pour Diwan est que cet IPS, qui est confondu avec l’aisance économique, atténue la solidarité financière qui fait vivre les écoles.

 

Gildas Grimault

 

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