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L’idéologie bretonne : écrire contre toutes les minorités

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Une lectrice nous a fait parvenir cette contribution critique du livre “L’idéologie Bretonne” d’André Rousseau. Nous en partageons les grandes lignes malgré quelques réserves, notamment l’utilisation du terme “gauche de l’Emsav” qui désigne ici l’ensemble du mouvement affirmant les droits nationaux du peuple breton. Un sujet qui mériterait d’autres développements et échanges. Nous remercions notre camarade pour cette initiative salutaire qui contribue au combat breton intellectuel contre une certaine intelligentsia française en Bretagne toujours prête à décrédibiliser la perspective de la construction d’un pouvoir politique breton. C’est souvent sous couvert d’universalisme, de discours prétendument de gauche que ces idéologues de pacotille du statu-quo institutionnel en Bretagne conspuent et insultent les femmes et les hommes qui affirment que le peuple et les travailleurs de Bretagne ont le droit de librement se déterminer pour construire leurs pays sur la base d’un autre projet social , économique et environnemental. En réalité ces auteurs sont de fieffés réactionnaires comme le démontrent avec brio les lignes qui suivent. Bretagne Info.

L’idéologie bretonne : écrire contre toutes les minorités

 

En janvier dernier, André Rousseau publiait un ouvrage intitulé L’idéologie bretonne. Ancien cadre au Crédit Mutuel de Bretagne, il se présente comme sociologue attaché au Centre de recherche bretonne et celtique de l’Université de Brest. Le livre traite essentiellement de la question bretonne, mais à travers cette question l’auteur révèle son aversion contre toutes les formes de revendications minoritaires. Certains passages constituent même des allusions racistes, sexistes à peine voilées.

 

Ainsi, lors d’un chapitre où il traite des revendications multiculturelles de la gauche de l’Emsav, l’universitaire brestois associe cette revendication à la faible présence d’immigré·e·s sur le sol breton : « Le réquisitoire contre le modèle français fait comme si le cosmopolitisme et le multiculturalisme étaient parfaitement simples à pratiquer. Cette simplification est d’autant plus excusable que la Bretagne ne compte que 2 % d’immigrés, contre 8,8 % dans l’ensemble de la France » (p. 164). Comment doit-on comprendre ces propos ? Que ceux qui vivent auprès des immigré·e·s ont quant à eux de bonnes raisons de ne pas vouloir du multiculturalisme ? Que s’il y avait plus d’immigré·e·s en Bretagne, on n’en voudrait pas ?

 

Plus loin, ce sont les féministes qui en prennent pour leur grade. Il explique qu’avec les revendications autonomistes ou indépendantistes, « on est plus proche du féminisme radical et ce n’est pas la “masculinité” qui est toxique mais la francité » (p. 356). Si on s’arrête à la définition du Petit Robert de la masculinité « Ensemble de caractères, de comportements stéréotypés correspondant à une image sociale traditionnelle des hommes », effectivement la masculinité n’est pas des plus appréciables dans une société émancipée. Mais Monsieur Rousseau s’accommode du monde comme il va, pour les relations hommes-femmes comme pour le reste. Quitte à défendre la masculinité, quitte à défendre l’hégémonie culturelle de la France ou plutôt à refuser de la questionner, car en dehors de tout soupçon et de toute interrogation dans sa réflexion qu’il consacre à la revendication bretonne.

 

Quelques lignes plus loin, c’est l’« homosexuel » – la formule est du plus mauvais goût – qui est objet de comparaison : « Tout comme l’homosexuel revendique le droit au mariage, le Breton revendique au nom de la différence celtique son autonomie, voire plus » (p. 365). C’est son rapport très critique au mouvement breton qui nous laisse penser que cette phrase doit être lue comme une charge contre la revendication homosexuelle pour le droit au mariage. On se demande bien ce que cela vient faire dans un ouvrage qui traite de la question bretonne depuis le XIXe siècle si ce n’est permettre à l’auteur d’afficher ces affinités politiques. 

 

Rousseau ne s’arrête pas là. A la même page, il s’en prend à l’organisation en non-mixité : « La distance est courte peut-être entre le point de vue de Paul Molac et le refus que des blancs participent à une discussion sur les problèmes des noirs » (p. 365). On ne voit pas très bien ce que vient faire Paul Molac dans cette affaire, lui qui occupe ses heures à parlementer avec des parlementaires. Comprenons que pour Rousseau la non-mixité des noirs, mais sans doute des femmes est inadmissible. Pourquoi ne pas discuter avec ceux qui vous oppriment ? Et pourquoi pas ouvrir les assemblées générales de grévistes aux patrons, le débat démocratique y gagnerait. Soyons ouverts au dialogue !

 

En fait, l’auteur affiche un dédain marqué pour tous les dominé·e·s qui un tant soit peu osent se soulever. On comprend mieux pourquoi il veut s’en prendre à la cause bretonne. Ainsi, il s’emporte contre les « “mouvances” comme celle des Gilets Jaunes, de #MeToo, ou des antipasse” de 2021, où le ressentiment l’emporte sur la définition d’objectifs possibles » (p. 235). Il est bien connu que les dominés n’ont que des émotions, des sentiments, de la haine, que leurs pensées ne sont pas très rationnelles, que leurs revendications sont confuses. Heureusement, que des universitaires viennent remettre de l’ordre dans tout ça.

 

Bref, un livre à ne pas lire sous aucun prétexte !

 

Anna Ar Rous

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